Le portrait de Dorian Gray
c ses hauts lambris de chêne olivatre, sa frise et son plafond crème rehaussé de moulure, et son tapis de Perse couleur brique aux longues franges de soie. Sur une mignonne table de bois satiné
sur le manteau de la cheminée. La vive lumière abricot d'un jour d'été lond
temps. Aussi l'adolescent semblait-il maussade, feuilletant d'un doigt nonchalant une édition illustrée de Manon Lescaut qu'il avait trou
ruit de pas dehors e
en retard, Harr
t point Harry, M. Gray,
nt les yeux et
nde pardon. J
aut que je me présente moi-même. Je vous connais fort bien par
dix-sept,
je vous ai vu avec lui à
de myosotis. C'était une curieuse femme dont les toilettes semblaie
r, elle avait gardé toutes ses illusions. Elle essayait d'être pittoresque, mais ne réussissait
engrin, lady H
ne. Cela est si bruyant qu'on peut causer tout le temps sans être
fines, et elle se mit à jouer avec un long coupe-p
dant la musique, du moins pendant la bonne musique. Si l'on en entend de
ais ce qu'ils étaient. Peut-être des étrangers. Ils le sont tous, et même ceux qui sont nés en Angleterre le deviennent bient?t, n'est-il pas vrai? C'est très habile de leur part et c'est un hommage rendu à l'art de le rendre cosmopolite. Mais vous n'êtes jamais venu à mes réunions, M. Gray. Il faudra venir. Je ne puis point offrir d'orchidées, mais je n'épargne aucune dépense pour avo
sourire amusé. Je suis vraiment faché d'être si en retard, Dorian; j'ai été à Wardour Street chercher un morceau de vieux brocard e
de rire. J'ai promis à la Duchesse de l'accompagner en voiture. Au revoir, M. Gray, au revoir Ha
un oiseau de paradis qui aurait passé la nuit dehors sous la pluie, elle s'envola, laissa
ux cheveux paille, Dorian, di
quoi,
es sont trop
les personnes
mmes se marient par fatigue, les femme
rry. Je suis trop amoureux. Voilà un de vos aphorismes
ureux? demanda lord H
, dit Dorian G
épaules ?C'est un
as cela si vous l
est
ppelle Si
jamais ent
parlera d'elle un jo
en à dire, mais elles le disent d'une fa?on charmante. Les femmes représentent le triomphe de la matiè
pouvez-v
abilité, vous n'avez guère qu'à les conduire souper. Les autres femmes sont tout à fait agréables. Elles commettent une faute, toutefois. Elles se fardent pour essayer de se rajeunir. Nos grand'mères se fardaient pour para?tre plus brillantes. Le ?Rouge et l'Esprit? allaient ensemble. Tout cela est fini. Tant qu'une femme peut pa
vos idées me
ntion. Depuis quand
trois
l'avez-vou
notre gris et monstrueux Londres, avec ses millions d'habitants, ses sordides pécheurs et ses péchés splendides, comme vous disiez, devait avoir pour moi quelque chose en réserve. J'imaginais mille choses. Le simple danger me donnait une sorte de joie. Je me rappelais tout ce que vous m'aviez dit durant cette merveilleuse soirée où nous d?names ensemble pour la première fois, à propos de la recherche de la Beauté qui est le vrai secret de l'existence. Je ne sais trop ce que j'attendais, mais je me dirigeai vers l'Est et me perdis bient?t dans un labyrinthe de ruelles noires et farouches et de squares aux gazons pelés. Vers huit heures et demie, je passai devant un absurde petit théatre tout flamboyant de ses rampes de gaz et de se
premier roman de votre vie. Vous serez toujours aimé, et vous serez toujours amoureux. Une grande passion est le lot de ceux qui n'ont rien à fair
ature si futile, s'écri
la crois
ulez-vo
éfaut d'imagination. La fidélité est à la vie sentimentale ce que la stabilité est à la vie intellectuelle, simplement un aveu d'impuissance. La fidélité! je l'analyserai un jour. La passion d
'amours; on eut dit une pièce montée pour un mariage de troisième classe. Les galeries et le parterre étaient tout à fait bondés de spectateurs, mais les deux rangs de fauteuils sales étaient absolument vides et
me aux jours glorie
à me demander ce que je pourrais bien faire, lorsque je jetai
je vis, Dorian, plus je sens vivement que ce qui était bon pour nos pères, n'est pas bon pour no
le créature que j'aie vue de ma vie. Vous m'avez dit une fois que le pathétique vous laissait insensible. Mais cette beauté, cette simple beauté eut rempli vos yeux de larmes. Je vous assure, Harry, je ne pus à peine voir cette jeune fille qu'à travers la buée de larmes qui me monta aux paupières. Et sa voix! jamais je n'ai entendu une pareille voix. Elle parlait très bas tout d'abord, avec des notes profondes et mélodieuses: comme si sa parole ne devait tomber que dans une oreille, puis ce fut un peu plus haut et le son ressemblait à celui d'une fl?te ou d'un hautbois lointain. Dans la scène du jardin, il avait la tremblante extase que l'on per?oit avant l'aube lorsque chantent les rossignols. Il y avait des moments, un peu après, où cette voix empruntait la passion sauvage des violons. Vous savez combien une voix peut émouvoir. Votre voix et celle de Sibyl Vane sont deux musiques que je n'oublierai jamais. Quand je ferme les yeux, je les entends, et chacune d'elle dit une chose différente. Je ne sais laquelle suivre. Pourquoi ne l'aimerai-je pas, Harry? Je l'aime. Elle est tout pour moi dans la vie. Tous les soirs je vais la voir jouer. Un jour elle
'en ai tant
ures avec des cheveux tein
es figures peintes; cela a quelquefois u
yl Vane. -Vous n'auriez pu faire autrement, Dorian. Tout
vous dire. Vous avez sur moi une singulière influence. Si jamais je c
, Dorian. Mais je vous suis tout de même très obligé du compliment. Et maintenant, dites-moi-pa
ses pieds, les joues em
byl Vane e
ais pourquoi vous inquiéter? Je suppose qu'elle sera à vous quelque jour. Quand on est amoureux, on s'abuse d'abord soi-même
e conduire derrière la toile pour me présenter à elle. Je m'emportai contre lui, et lui dit que Juliette était morte depuis des siècles et que son corps rep
suis pa
lisais jamais aucune. Il en parut terriblement désappointé, puis il me confia que tou
is pour le second, a en juger par les appa
rtement; je déclinais l'offre. Le lendemain soir, naturellement, je revins. Dès qu'il me vit, il me fit une profonde révérence et m'assura que j'étais un magnifique protecteur des arts. C'était une redoutable brute, bien qu
pour avoir trop osé dans cette ère de prose. Se ruiner pour la poésie est un
e m'avait regardé, du moins je me le figurais. Le vieux juif insistait. Il se montra résolu à me conduire sur
e ne tr
Harry, pou
. Pour le moment je voudrais sav
pouvoir. Je crois que nous étions un peu énervés. Le vieux juif grima?ait dans le couloir du foyer poussiéreux, pérorant sur notre compte, tandis que nous restions à nous regarder comme des enfants. Il s
miss Sibyl sait to
ien de la vie. Elle vit avec sa mère, une vieille femme flétrie qui jouait le premier soir Lady
e décourage, murmura lord Ha
son histoire, mais je lui dis
elque chose d'infiniment mesqui
sa petite tête à son pied mignon, elle est divine, absolument. Chaque soir
Je pensais bien que vous aviez quelque roman en train; je ne me
es jours ensemble, et j'ai été à l'Opéra avec vous plu
ujours si horr
ur un seul acte. J'ai faim de sa présence; et quand je songe à l'ame mervei
avec moi ce soir, D
oua la
ne, répondit-il, et dem
t-elle Si
am
s en fé
e; il faut que je me fasse aimer d'elle. Vous qui connaissez tous les secrets de la vie, dites-moi comment faire pour que Sibyl Vane m'aime! Je veux rendre Roméo jaloux! Je veux que tous le
nt; des taches rouges de fièvre enflammaien
timide, apeuré, qu'il avait rencontré dans l'atelier de Basil Hallward. Son naturel s'était développé comme une f
ez-vous de faire, d
talent. Alors nous la retirerons des mains du juif. Elle est engagée avec lui pour trois ans, au moins pour deux ans et huit mois à présent. J'aurai quelque
impossible, m
l'art, elle a aussi une vraie personnalité et vous m'avez dit souvent que
uand iro
di aujourd'hui. Demain!
stol à huit heures
mie. Il faut que nous soyons là avant le lever du rideau. Nous
ou une lecture de roman anglais. Mettons sept heures. Aucun gentlema
dessiné par lui, et quoique je sois un peu jaloux de la peinture qui est d'un mois plus jeune que moi, je dois reconna?tre que je m'en délecte. Pe
enry s
ce dont on a le plus besoin. C'est ce
mais il me semble un peu philistin. Depuis qu
ux étaient de mauvais artistes. Les vrais artistes n'existent que dans ce qu'ils font et ne présentent par suite aucun intérêt en eux-mêmes. Un grand poète, un vrai grand poète, est le plus prosa?que des êtres. Mais les poètes inférieurs sont les plus charmeur
os flacon au bouchon d'or qui se trouvait sur la table. Cela doit être puisque vous le di
r lui-même et finissait par analyser les autres. La vie humaine, voilà ce qui paraissait la seule chose digne d'investigation. Nulle autre chose par comparaison, n'avait la moindre valeur. C'était vrai que quiconque regardait la vie et son étrange creuset de douleurs et de joies, ne pouvait supporter sur sa face le masque de verre du chimiste, ni empêcher les vapeurs sulfureuses de troubler son cerveau et d'embuer son imagination de monstrueuses fantaisies et de rêves difformes. Il y avait des poisons si subtils que pour conna?tre leurs propriétés, il fal
orte sa propre création. Il l'avait fait s'ouvrir prématurément à la vie. Cela était bien quelque chose. Les gens ordinaires attendent que la vie leur découvre elle-même ses secrets, mais au petit nombre, à l'élite, ses mystères étaient révélés avant que le voile en f?t arraché. Quelquefois c'était un effet de l'art, et
'observer. Avec sa belle figure et sa belle ame, il devait faire rêver. Pourquoi s'inquiéter de la fa?on dont cela finirait, ou si cela, même devait avoir une fin!... Il était comme une de s
rps a ses moments de spiritualité. Les sens peuvent s'affiner et l'intelligence se dégrader. Qui
L'ame était-elle une ombre recluse dans la maison du péché! Ou bien le corps ne faisait-il réellement qu'un avec l'ame, comme le pensait Gio
es donnent à leurs erreurs. Les moralistes l'ont regardée d'ordinaire comme une manière d'avertissement, ont réclamé pour elle une efficacité éthique dans la formation des caractères, l'ont vantée comme quelque chose qui nous apprenait ce qu'il fallait suivre, et nous montrait ce que nous devions éviter. Mais il n'y a
ns doute la curiosité y entrait pour une grande part, la curiosité et le désir d'acquérir une nouvelle expérience; cependant ce n'était pas une passion simple mais plut?t une complexe. Ce qu'elle contenait de pur instinct sensuel de puberté avait été transformé par le travail de l'imagination, et changé en quelque chose qui semblait à l'adolescent étranger
leva et jeta un coup d'oeil dans la rue. Le soleil couchant enflammait de pourpre et d'or les fenêtres hautes des maisons d'en face. Les carreaux étincelaient comme
amme sur sa table. Il l'ouvrit et s'aper?ut qu'il était de Dorian Gr