Leone Leoni
te inquiétude d'être poursuivis et découverts. Depuis notre départ, Leoni n'aspirait qu'à gagner avec moi une retraite agreste et paisible et à vivre d'amour et de poésie
as de la maison, dans un joli verger dont les arbres, abandonnés à la direction de la nature, poussaient en tous sens des branches touffues, moins riches en fruits qu'en fleurs et en feuillage. Nous allions ensuite nous promener dans la vallée ou nous gravissions les montagnes. Nous pr?mes peu à peu l'habitude de faire de longues courses, et chaque jour nous allions à la découverte de quelque site nouveau. Les pays de montagnes ont cela de délicieux qu'on peut les explorer longtemps avant d'en conna?tre tous les secrets et toutes les beautés. Quand nous entreprenions nos plus grandes excursions, Joanne, notre gai majordome, nous suivait avec un panier de vivres, et rien n'était plus charmant que nos festins sur l'herbe. L
e ne contrariais jamais un seul de ses désirs. Ainsi il disait que l'échange des pensées entre deux êtres qui s'aiment est la plus douce des choses, mais qu'elle peut devenir la pire de toutes si on en abuse. Il avait donc réglé les heures et les lieux de nos entretiens. Tout le jour nous étions occupés à travailler; je prenais soin du ménage, je lui préparais des friandises ou je plissais moi-même son linge. Il était extrêmement sensible à ces petites recherches de luxe, et les trouvait doublement précieuses au fond de notre ermitage. De son c?té, il pourvoyait à tous nos besoins et remédiait à toutes les incommodités de notre isolement. Il savait un peu de tous les métiers: il faisait des meubles en menuiserie, il posait des serrures, il établissait des cloisons en chassis et en papier peint, il empêchait une cheminée de fumer, il greffait un arbre à fruit, il amenait un courant d'eau vive autour de la maison. Il était toujours occupé de quelque chose d'utile, et il l'exécutait toujours bien. Quand ces grands travaux-là lui manquaient, il peignait l'aquarelle, composait de charmants paysages avec les croquis que, dans nos promenades, no
le était traversée par un rapide ruisseau d'eau de roche qui la balayait à chaque instant et qui nous réjouissait de son petit bruit. Des pigeons familiers y buvaient à nos pieds, et, sous la petite arcade par laquelle l'eau rentrait, des moineaux hardis venaient se baigner et dérober quelques graines. C'était l'endroit le plus frais dans les jou
le Ranz des vaches au bas de la montagne. Ces sons aigus avaient de loin une douceur inconcevable. Leoni tombait dans une rêverie qui ressemblait à l'extase; puis, quand la nuit était tout à fait venue, quand le silence de la vallée n'était plus troublé que par le cri plaintif de quelque oiseau des rochers, quand les lucioles s'allumaient dans l'herbe autour de nous, et qu'un vent tiède planait dans les sapins au-dessus de nos têtes, Leoni semblait sortir d'un rêve ou s'éveiller à une autre vie. Son ame s'embrasait, son éloquence passionnée m'inondait le coeur; il parlait aux cieux, au vent, aux échos, à toute la nature avec enthousiasme; il me prenait dans ses bras et m'accablait de caresses délirantes; puis il pleurait d'amour sur mon sein, et, redevenu plus calme, il m'adressait les paroles les plus suaves et les plus enivrantes. Oh! comment ne l'aurais-je pas aimé, cet homme sans égal, dans ses bons et dans ses mauvais jours? Qu'il était aimable alors! qu'il était beau! Comme le hale allait bien à son male visage et respectait son large front blanc sur des sourcils de jais! Comme il savait aimer et
ous n'êtes pas las de m'entendre, je veux parler encore. Je sens que j'ai entrepris une tache bien pénible pour ma pauvre ame, et que quand j'a
dis-moi, ma pauvre enfant, comment la singulière conduite d'Henryet au bal et la lache soumission
s plus invraisemblables. Les théatres et les romans ne produisaient plus que des fils de bourreaux, des espions héro?ques, des assassins et des for?ats vertueux. Je lus un jour Frederick Styndall, une autre fois l'Espion de Sooper me tomba sous la main. Songez que j'étais bien enfant et que dans ma passion mon esprit était bien en arrière de mon coeur. Je m'imaginai que la société, injuste
te disposition romanesque et l
onna tant de peine pour me tromper, c'est qu'il m'
nt le silence, et Juli