Les Deux Rives
n et de la rue d'Assas. Il y occupait, au sixième étage, un petit logement dont le
trapu, sanguin, la moustache grisonnante et l
s d'une fois il e?t été révoqué pour insubordination ou propos factieux, sans l'intervention puissante de son frère Eusèbe. Il était né au temps de misère où M. Raindal
tions l'obligeaient à servir. Et finalement, en 1889, on saisissait dans la cantine du général Boulanger une carte
il arrivait souriant, la bouche machonnant déjà les paroles de gratitude; et l'annonce de sa révocation l'
il avait couru se commander des cartes nouvelles où, au-dessous de son nom, on lisait: ?Ancien sous-chef
e restant des cartes fallacieuses. En outre son frère intriguait pour lui garder, quand même, le bénéfice de la retraite, trois mille francs sans lesquels il f?t tombé
es explosifs trop longtemps comprimés. Trente années d'exaspérations retenues, dans le besoin de vivre et
il inclina vers le socialisme. Par malheur, il se perdait dans les questions de capital et de salaire. Les sta
r accoutumance, il lui fallait une doctrine plus humaine et moins subversive, des théories faci
l'écrasement de l'iniquité, voilà, en premier lieu, ce qu'on devait poursuivre. Après? Bah! on aviserait. Que l'on obt?nt d'abord ces purifications; puis on s'occuperait du reste pour le mieux. M. Raindal cadet n'était pas de ces rêveurs fanfarons qui promettent de détruire et de rebatir la société comme s'
teurs, les juifs et les calotins dont la coalition clouait la France au sol comme une fourche à trois branches. La comparaiso
veille pour figurer dans cette armée de justiciers sincères que la
é en son c?ur la haine des politiciens; avec Paul Bert ou ses disciples, la haine du prêtre et des dévots; avec Drumont, la haine du juif et de l'exotique. Il relisait sans cesse leurs articles, leurs livres, et en citait de mémoire des passages entiers. Sa conversation s'en ressentait. Les fanfares des injures les plus diverses
du petit canapé de reps vert où il somnolait, et, la m
ie à la vue de M. Raindal. Les deux fr
prien s
ir! Viens par ici... J'avais juste
urons-nous à d?ner ce soir? questionnai
mais cert
aient dans la pièce
t-il en appuyant affectueusemen
ournaux brouillés,-un luxe qu'il s'offrait quand des rhumatismes le retenaient à la chambre. Mais autrement, il ne lisait les feuilles qu'au café, à la brasserie, et en petit nombre,-deux ou trois gazettes de combat qui lui chauffaien
. De quoi m'amuser et de quoi te faire claquer d'
?ait à bref délai l'arrestation d'un sénateur, ancien ministre, ancien député, bien connu pour ses tripotages, ses compla
des heures sans trouver... Et pourtant, je te l'avouerai, cette nouvelle m'a fait passer une excellente jou
terie et ajouta, les deux
n penses? ?a se corse!...
rnure d'esprit, à ne considérer les choses qu'à travers l'immensité du temps, l'infini des siècles passés et futurs, il avait du présent plut?t le dédain que l'insouciance. Et chaque fo
reil cas, et décha?nant hypocritement e
ue fort troublée... Il y a eu beaucoup d'abus... Que veux-tu?..
nt la tête comme pour se désengluer de ces aphorismes. Dis-moi donc simplement que
urmandé cet illustre a?né, qu'il vén
mon pardon... Demandez le portrait de M. Eusèbe Raindal, l'homme du jour, le drapeau de la famille, la gloire de l'égyptol
pièce en sonnant, dans sa main roulée en cornet, une marche triomphal
le journal qu'il tenait à bouts de bras,
ait bien lui, son nez charnu, sa barbe blanche, sa paterne f
de la route ou les poteaux des carrefours sur les pays que l'on traverse. Mais pour lui ces chiffres et ces mots secs vivaient comme de la chair. Un sourire nerveux remua ses lèvres. Des rafales de vanité montaient
. Je te remercie... J'emp
'un geste, l'oncle Cyprien
On t'injurie dans le Fléau un sale journal rédigé par des calotins et lu
a d'une voix railleuse où
TIONS AC
nographiques qui y fourmillent et qui ont captivé une clientèle spéciale. Or, sans vouloir nous prononcer dans ce délicat débat, force pourtant nous est de convenir que ce livre est un des plus immoraux qui soient sortis, depuis longtemps, de la Coupole. Les notes principalement, quoique rédigées en latin, y sont d'une révoltante obscénité. L'auteur aura beau alléguer, pour sa défense, qu'il n'a fait que traduire des pamphlets égyptiens de l'époque, et même qu'il a eu soin de les traduire en latin, il n'en demeure pas moins acquis que, volontairement ou non, il a publié là un recueil d'authentiques ordure
oquet!... Cela n'a aucune importance, étant donné, je te l'ai dit, que cette feuille n'est lue que par des youpins... M
qu'avan?ait la lecture, dressa la main en un gest
petits revenants-bons de la célébrit
qui
ces morales... Je reconnais sa manière... Il voudrait obtenir le prix, avec son Histoire des affranchis sous l'Empire ro
ette rage qu'on ressent devant l'injustice lui obstruait la go
nogr
de répit; puis, d'une v
petitesses, et des calomnies... Oh! si l'on savait quels égouts il y a au-dessous de ce qu'on appelle les pures régions d
n petit rir
mme qui depuis quarante ans travaille douze heures par jour... C'est tout ce qu'ils
libre élan à cette crise de révolte do
u as encore du sang de Raindal dans les veines... Tu n'aimes pas qu'on te taquine... Tu
fit M. Raindal, éteig
upeur l'ancien fonctionnai
A un bal qu
tu i
rèse... On doit nous y présenter
main droite la sphère lisse de
cela... Moi, j'ai comme une idée que mon neveu n'en voudra pas, de ce jeune savant... Enfin, tu fais bien, il faut voir... M
ndal s
urs, tu te trompes... En dehors de ses ambi
oussa un siffleme
ible!... Allons, à t
son frère jusqu
es, quand M. Raindal arriva che
n, des pantoufles à semelles de feutre, et, dans le noir,
leurs lourdes masses rectangulaires. Assise à l'un d'eux, Thérèse écrivait auprès d'une lampe à pétrole, et l
vre! s'écria
embrassait avec ce redoublement de tendresse égo?ste, ce besoin de rapprochemen
a en souriant,
ton article pour la Revue. On vient les chercher
'obéis, fit
ent dans l'algérienne des rideaux fermés, et un mince rond jaunatre que la lampe faisait frémir au plafond. On n'entendait que la respiration un peu embarrassée
oup le ma?tre... Et ta mère
era pas, fit Thérèse, e
ire, elle ajouta, d'une
n, j'ai commencé, tant pis!... Oui, il me semble bien avoir vu
ment de pitié... Cela fait au moins deux f
it son père
... Puisque c'est son b
t une grimace
e une marque d'incompréhension, n'avait-il pas tout fait jadis pour les procurer à sa femme, ce bonheur, cette tranquillité, ou du moins ce qu'il
ient la jeune fille. Bah! qu'importait à M. Raindal, puisqu'il aimait sa fiancée! Il la soignerait, la guérirait! Et dès le lendemain des noces à Alexandrie, puis à Paris où le ménage rentrait, la cure commen?ait, se poursuivait méthodiquement. Chaque jour, des heures durant, il discutait avec sa femme, la sermonnait, la raisonnait. Et e
ontorsions diaboliques. Et, à mesure que l'enfant devenait jeune fille, à la flamme de ces récits, son ame graduellement se faisait plus étroite, plus sensible, plus douillette au péché. Le moins grave d'entre eux lui pesait comme une faute irrémissible. Sous cet épineux fardeau, elle sentait son c?ur étouffer. Il lui fallait alors courir auprès d'un prêtre, se décharger dans son indulgence de ce poids d'angoisse plus dur qu'un poids de fer. Souvent même, à
M. Raindal en écrivant... Ah! si seulement
s retentissaient au
ici ta mère... Je suis curieu
ouillette noire doublée de petit-gris et dont le drap usé br
ende
la main à son c?ur pour en écrase
montée tr
ose-toi, fit avec
'est fini, c
s sa fille. Elle avait les joues glacées par le vent du soir, froides
demanda M. Raindal sans relev
se ré
s un quart tout au plus... Je viens de chez Guerbois comman
rien
lors elle tisonna le coke rougeoyant de la cheminée, abaissa la mèche de la lampe qui filait, et n'y tenant plus sous ce si
ultanément redressé le front et é
vu... son v
n air découragé. La jeune f
aman!... Elle e