Oeuvres Completes De Alfred De Musset (Tome Sixieme)
mémoire est bonne, c'était en 1825. Mademoiselle Duval sortait du couvent, à dix-huit ans, avec quatre-vingt mille livres de rente. M. de Marsan, qui l'épousa, n'avait que son titre et quelques
onoré. Cette étrange alliance, faite en apparence à la légère, donna lieu à mille interprétations dont pas une ne fut vraie, parce que pas une n'était simple, et qu'on voulut t
dans son cabinet, elle n'avait guère, pour le travail, d'autre règle que son bon plaisir. Sa mère, qui la connaissait et savait l'aimer, avait exigé pour elle cette liberté dans laquelle il y avait quelque compensation au manque de direction; car un go?t naturel de l'étude et l'ardeur de l'intelligence sont les meilleurs ma?tres pour les esprits bien nés. Il entrait autant de sérieux que de gaieté da
favori dans tous les tons; elle était discrète et nullement confiante, n'avait point d'épanchement d'amitié, une sorte de pudeur s'opposant en elle à l'expression parlée de ses sentiments. Elle aimait à résoudre elle-même les petits problèmes qui, dans
quelque mérite dans cette conduite, car elle avait la rage de tout apprendre. Ce qui n'était pas défendu, c'était de dévorer les livres des yeux; aussi en savait-elle tous les titres par c?ur; elle parcourait successivement tous les rayons, et, pour atteindre les plus élev
rait mouillée par la pluie, elle se livrait, à la campagne, à tous les exercices violents, comme si là e?t été toute sa vie. Sept ou huit lieues à cheval, au galop, étaient un jeu pour elle; à pied, elle défiait tout le monde; elle courait, grimpait aux arbres, et si on ne marchait pas sur les parapets plut?t que sur les quais, si on ne descendait pas les escaliers sur leurs rampes, elle pensait que c'était par respect humain. Par-dessus tout elle aimait, chez sa mère, à s'échapper seule, à regarder dans la campag
enfant, lui sautait au cou quand il arrivait, lui grimpait sur les épaules; et jusqu'à quel age? c'est ce que je ne vous dirai pas non plus. Le plus grand amusement de la petite espiègle était de faire faire à ce personnage, assez grave du reste, des lectures à haute voix: c'était difficile, attendu qu'il trouvait que les livres n'avaient aucun sens, e
qu'un enfant gaté. Il faut que vous compreniez qu'un pareil caractè
llait qu'elle allat plonger son petit visage dans les sources qui s'échappaient des roches. Elle voulait gravir des pics, ou descendre jusqu'aux torrents dans les précipices; elle ramassait des pierres, arrachait la m
elles entrent dans un salon les cordes du c?ur tendues par la crainte, et qu'au plus léger soupir elles résonnent comme des harpes. Quant à l'amour, Emmeline était encore fort ignorante sur ce sujet. Elle avait lu quelques romans où elle avait choisi une collection de ce qu'elle nommait des niaiseries sentimentales, chapitre qu'elle traitait volontiers d'une
surance qu'on n'en a ordinairement à son age; puis, le soir, enfermée avec ses bonnes amies, elle leur donnait une représentation de l'entrevue du matin; son talent naturel pour l'imitation rendait cette scène d'un comique achevé. Celui-là avait l'air embarrassé, celui-ci était fat; l'un parlait du nez, l'autre sal
que de coutume. Elle était ce jour-là d'un grand d?ner, et sa femme de chambre lui avait mis une robe neu
orsqu'on che
n près de
ut à coup dans un émoi singulier. Elle demeura rêveuse to
hez madame Duval, qui avait une fort belle terre près de Fontainebleau. Emmeline était de cette partie. Au moment d'entrer dans le bois, le bruit du cor fit emporter le cheval qu'elle montait. Habituée aux caprices de l'animal, elle voulut l'en punir après l'avoir calmé; un coup
Honoré, la petite Duval soulevait régulièrement sa jalousie à l'heure où un beau gar?on à cheval passait, allant aux Champs-Elysées. Quoi qu'il en soit, un an après, Emmeline déclara à sa famille ses intentions, que rien ne put ébranler.