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Le Ventre de Paris

Chapter 4 No.4

Word Count: 18540    |    Released on: 06/12/2017

chait son visage rose d'enfant endormi. On ignora toujours quelle main misérable l'avait posé là. C'était déjà un petit bonhomme de deux à t

is entre les bras. Jusqu'au soir, il occupa le marché. Il s'était rassuré, il mangeait des tartines, il riait à toutes les femmes. La grosse tripière le garda; puis, il passa à une voisine; un mois plus tard, il couchait chez une troisième. Lorsqu'on lui demandait: ? Où est ta mère? ? il avait un geste adorable: sa main faisait le tour, montrant les marchand

crut comprendre qu'elle s'appelait Cadine, et que sa mère, la veille au soir, l'avait assise sous une porte, en lui disant de l'attendre. L'enfant avait dormi là; elle ne pleurait pas, elle racontait qu'on la battait. Puis, elle suivit la mère Chantemesse, bien contente, enchantée de cette grande place, où il y avai

en allait, tenant Cadine delà main droite,

la place est donnée... Tu n'es donc plus avec la

lacher. Elle ne put rester grondeuse, ta

rmaille... Je vous

ir crier, de se facher, de les débarbouiller, de les fourrer sous la même couverture. Elle leur avait installé un petit lit, dans une vieille voiture de marchand des quatre saisons, dont les roues et les brancards manqu

oisse, lui demandait des détails; et elle se moquait de lui, elle finissait par l'appeler ? grosse bête. ? D'autres fois, ils n'étaient pas sages, ils se donnaient des coups de pieds, sous les couvertures; Cadine repliait les jambes, étouffait ses rires, quand Marjolin, de toutes ses forces, la manquait et allait taper dans le mur. Il fallait, ces fois-là, que la mère Chantemesse se levat pour border les couvertures; elle les endormait tous les deux d'une calotte, sur l'oreiller. Le lit fut longtemps ainsi po

coins noirs. La rue au Lard, elle aussi, était bien amusante, étroite, peu fréquentée, avec sa large arcade qui s'ouvre sur la rue de la Lingerie. La porte de la maison se trouvait à c?té même de l'arcade, une porte basse, dont le battant ne s'ouvrait qu'à demi sur les marches grasses d'un escalier tournant. Cette maison, à auvent, qui se renflait, toute sombre d'humidité, avec la caisse verdie des plombs, à chaque étage, deven

sans avoir peur d'être écrasés. Ils connaissaient le pavé, enfon?ant leurs petites jambes jusqu'aux genoux dans les fanes de légumes; ils ne glissaient pas, ils se moquaient, quand quelque roulier, aux souliers lourds, s'étalait les quatre fers en l'air, pour avoir marché sur une queue d'artichaut. Ils étaient les diables roses et familiers de ces rues grasses. On ne voyait qu'eux. Par les temps de pluie, ils se promenaient gravement, sous un immense parasol tout en loques, dont la marchande au petit tas avait abrité son éventaire pendant vingt ans; ils le plantaient gravement dans un coin du marché, ils appelaient ?a ? leur maison. ? Les jours de soleil, ils galopinaient, à ne plus pouvoir remuer le soir; ils prenaient des bains de pie

gnements de pommes de terre, de navets, de carottes, d'oignons blancs, rangés quatre par quatre, en pyramide, trois pour la base, un pour la pointe, tout prêts à être mis dans les casseroles des ménagères attardées. Elle avait aussi des paquets ficelés pour le pot-au-feu, quatre poireaux, trois carottes, un panais, deux navets, deux brins de céleri; sans parler de la julienne fra?che coupée très fine sur des feuilles de papier, des choux taillés en quatre, des tas de tomates et des tranches de potiron qui mettaient des étoiles rouges et de

nez me voir... à deu

s même faire une commission. Elle, était très-rouée. à huit ans, elle se fit enr?ler par une de ces marchandes qui s'assoient sur un banc, autour des Halles avec un panier de citrons, que toute une bande de gamines vendent sous leurs ordres; elle offrait les citrons dans sa main, deux pour trois sous, courant après les passants, poussant sa marchandise sous le nez des femmes, retournant s'approvisionner, quand elle avait la main vide; elle touchait deux sous par douzaine de citrons, ce qui mettait ses journées jusqu'à cinq et six sous, dans les bons temps. L'année suivante, elle pla?a des bonnets à neuf sous; le gai

udés; puis elle partait, passait l'eau, courait le quartier Latin, de la rue Saint-Jacques à la rue Dauphine, et jusqu'au Luxembourg. Marjolin l'

ur les p'ti

e, sur une étrange phrase, musicale qui f

ur les p'ti

éfunt père Chantemesse, ancien cocher de fiacre; Cadine portait une robe à carreaux bleus et blancs, taillée dans un tartan usé de la mère Chantemesse. Les ser

t des étalages, il y a des fleurs artificielles, des feuillages de papier où des gouttes de gomme font des gouttes de rosée, des couronnes de cimetière en perles noires et blanches qui se moirent de reflets bleus. Cadine ouvrait son nez rose avec des sensualités de chatte; elle s'arrêtait dans cette fra?cheur douce, emportait tout ce qu'elle pouvait de parfum. Quand elle mettait son chignon sous le nez de Marjolin, il disait que ?a sentait l'oeillet. Elle jurait qu'elle ne se servait plus de pommade, qu'il suffisait de passer dans l'allée. Puis, elle intrigua tellement, qu'elle entra au service d'une des marchandes. Alors, Marjolin trouva qu'elle se

ne ne montrait plus que les mèches frisées de ses cheveux au-dessus des bottes de pensées, de réséda, de marguerites; elle était noyée, perdue sous les fleurs; elle montait toute la journée des bouquets sur des brins de jonc. En quelques semaines, elle avait acquis de l'habileté et une grace originale. Ses bouquets ne plaisait pas à tout le monde; ils faisaient sourire, et ils inquiétaient, par un c?té de na?veté cruelle. Les rouges y dominaient, coupés de tons violents, de bleus, de jaunes, de violets, d'un charme barbare. Les matins où elle pin?ait Marjolin, où elle le taquinait à le faire pleurer, elle avait des bouquets féroces, des bouquets de fille en colère, aux parfums rudes, aux couleurs irritées. D'autres matins, quand elle éta

s sur un lit de mousse, recouverts d'une feuille d'ouate. Elle les prenait, comme elle aurait pris des bijoux, délicatement, sans respirer, de peur de les gater d'un souffle; puis, c'était avec de précautions infinies qu'elle attachait sur de

place; c'est joliment plus doux et plus transparent que ton camélia... Il y

des doigts; puis il ap

ens l'oranger

e tournait ses violettes en marchant, elle les tournait comme des fuseaux, avec une merveilleuse légèreté de doigts; elle comptait six à huit fleurs, selon la saison, pliait en deux un brin de jonc, ajoutait une feuille, roulait un fil mouillé; et, entre ses dents de jeune loup, elle cassait le fil. Les petits bouquets semblaient pousser tout seuls dans la mousse de l'éventaire, tant elle les y plantait vite. Le long des trottoirs, au milieu des coudoiements de la rue, ses doigts rapides fleurissaient, sans qu'elle les regardat, la mine effrontément levée, occupée des boutiques et des passants. Puis, elle se reposait un instant dans le creux d'une porte; elle mettait au bo

Romainville? C'est tout à fait ?a, là surtout, d

paient aux premières colonnes de fonte. Ce fut alors qu'ils mirent un peu d'eux, de leurs jeux, de leurs batteries, dans chaque trou, dans chaque charpente. Les pavillons s'élevèrent sous leurs petites mains. De là vinrent les tendresses qu'ils eurent pour les grandes Halles, et les tendresses que les grandes Halles leur rendirent. Ils étaient familiers avec

ite sous la même couverture. Alors elle le coucha chez une voisine. Cela rendit les enfants très-malheureux. Dans le jour, quand la mère Chantemesse n'était pas là, ils s'éprenaient tout habillés entre les bras l'un de l'autre, ils s'allongeaient sur le carreau, comme sur un lit; et cela les amusait

ndaient, ils restaient toute la soirée, à se tenir chaud, heureux des mollesses de cette couche, avec du duvet par-dessus les yeux. Ils tra?naient d'ordinaire leur panier loin du gaz; ils étaient seuls, dans les odeurs fortes des volailles, tenus éveillés par de brusques chants de coq qui sortaient de l'ombre. Et ils riaient, ils s'embrassaient, pleins d'une amiti

lescence déjà ventrue d'un gros homme, l'intelligence nulle, vivant par les sens. Elle découchait souvent pour passer la nuit avec lui dans la cave aux volailles; elle riait hardiment au nez de la mère Chantemesse, le lendemain, se sauvant sous le balai dont la vieille tapait à tort et à travers dans la chambre, sans jamais atteindre la vaurienne, qui se moquait avec une effronterie rare, disant qu'elle avait veillé ? pour voir s'i

plumes légères de poules, dorées, bigarrées, dont ils faisaient monter un vol à chaque souffle, pareil à un vol de mouches ronflant au soleil. En hiver, ils couchaient aussi dans la pourpre des faisans, dans la cendre grise des alouettes, dans la soie mouchetée des perdrix, des cailles et des grives. Les plumes étaient vivantes encore, tièdes d'odeur. Elles mettaient des frissons d'ailes,

aves de chaque pavillon; même, à tous les carrefours, des plaques tournantes sont posées, prêtes à fonctionner. Cadine et Marjolin avaient fini par découvrir, dans la barrière de madriers qui défend la voie, une pièce de bois moins solide qu'ils avaient rendue mobile; si bien qu'ils entraient là, tout à l'aise. Ils y étaient séparés du monde, avec le continu piétinement de Paris, en haut, sur le carreau. La voie étendait ses avenues, ses galeries désertes, tachées de jour, sous les regards à grilles de fonte; dans les bouts noirs, des gaz br?laient. Ils se promenaient comme au fond d'un chateau à eux, certains que personne ne les dérangerait, heureux de ce silence bourdonnant, de ces lueurs louches, de cette discrétion de souterrain, où leurs amours d'enfants gouailleurs avaient des frissons de mélodrame. Des caves voisines, à travers les madriers, toutes sortes d'odeurs leur arrivaient: la fadeur des légumes, l'apreté de la marée, la rudesse pestilentielle des fromages, la chaleur vivante des volailles. C'étaient de continuels souffles nourrissants qu'ils aspiraient entre leurs baisers, dans l'alc?ve d'ombre où ils s'oubliaient, couchés en travers sur les rails. Puis, d'autres fois, par les belles nuits, par les aubes claires, ils grimpaient sur les toits, ils montaient l'escalier roide des tourelles, placées aux angles des pavillons. En haut, s'él

peau, c'étaient les grands paniers qui suent le sang, pleins de têtes de moutons, les cornes grasses, le museau noir, laissant pendre encore aux chairs vives des lambeaux de peau laineuse; ils rêvaient à quelque guillotine jetant dans ces paniers les têtes de troupeaux interminables. Ils les suivaient jusqu'au fond de la cave, le long des rails posés sur les marches de l'escalier, écoutant le cri des roulettes de ces wagons d'osier, qui avaient un sifflement de scie. En bas, c'était une horreur exquise. Ils entraient dans une odeur de charnier, ils marchaient au milieu de flaques sombres, où semblaient s'allumer par instants des yeux de pourpre; leurs semelles se collaient, ils clapotaient, inquiets, ravis de cette boue horrible.

coude, il demeurait eu extase, en face des grands mous pendus aux crocs de la criée. Il expliqua souvent à Cadine et à Marjolin que rien n'était plus beau. Les mous étaient d'un rose tendre, s'accentuant peu à peu, bordé, en bas, de carmin vif; et il les disait en satin moiré, ne trouvant pas de mot pour peindre cette douceur soyeuse, ces longues allées fra?ches, ces chairs légère

ique. Et il voyait là un manifeste artistique, le positivisme de l'art, l'art moderne tout expérimental et tout matérialiste; il y voyait encore une satire de la peinture à idées, un soufflet donné aux vieilles écoles. Mais pendant près de deux ans, il recommen?a les esquisses, sans pouvoir trouver la note juste. Il creva une

original qu'il sentait venir, disait-il, et qu'il se rongeait les poings de ne pouvoir révéler. Mais Cadine et Marjolin préféraient la paix provinciale de la rue des Bourdonnais, où l'on peut jouer aux billes, sans craindre d'être écrasé; la petite faisait la belle, en passant devant les bonneteries et les ganteries en gros, tandis que, sur chaque porte, des commis en cheveux, la plume à l'oreille, la suivaient du regard, d'un air ennuyé. Ils préféraient encore les tron?ons du vieux Paris restés debout, les rues de la Poterie et de la Lingerie, avec leurs maisons ventrues, leurs boutiques de beurre, d'oeufs et de fromages; les rues de la Ferronnerie et de l'Aiguillerie, les belles rues d'autrefois, aux étroits magasins obscurs; surtout la rue Courtalon, une ruelle noire, sordide, qui va de la place Sainte-Opportune à la rue Saint-Denis, trouée d'allées puantes, au fond desquelles ils avaient polissonné, étant plus jeunes. Rue Saint-Denis, ils entraient dans la gourmandise; ils souriaient aux pommes tapées, au bois de réglisse, aux pruneaux, au sucre candi des épiciers et des droguistes. Leurs flaneries aboutissaient chaque fois à des idées de bonnes choses, à des envies de manger les étalages des yeux. Le quartier était pour eux une grande table toujours servie, un dessert éternel, dans lequel ils auraient bien voulu allonger les doigts. Ils visitaient à peine un instant l'autre paté de masures branlantes, les rues Pirouette, de Mondétour, de la Petite-Truanderie, de la Grande-Truanderie, intéressés médiocrement par les dép?ts d'escargots, les marchands d'herbes cuites, les bouges des tripiers et des liquoristes; il y avait cependant, rue de la Grande-Truanderie, une fabrique de savon, t

isant qu'il faudrait bien qu'elle fin?t par en manger un jour. Cadine avait aussi ses heures de coquetterie. Elle s'achetait alors des toilettes superbes à l'étalage des Fabriques de France, qui pavoisaient la pointe Saint-Eustache d'immenses pièces d'étoffe, pendues et flottant de l'entresol jusqu'au trottoir. Un peu gênée par son éventaire, au milieu des femmes des Halles, en tabliers sales devant ces toilettes des dimanches futurs, elle touchait les lainages, les flanelles, les cotonnades, pour s'assurer du grain et de la souplesse de l'étoffe. Elle se promettait quelque robe de flanelle voyante, de cotonnade à ramages ou de popeline écarlate. Parfois même, elle choisissait dans les vitrines, parmi les coupons plissés et avantagés par la main des commis, une soie tendre, bleu ciel ou vert pomme, qu'elle rêvait de porter avec des rubans roses. Le soir, elle allait recevoir à la face l'éblouissement des grands bijoutiers de la rue Montmartre. Cette terrible rue l'assourdissait de ses files interminables de voitures, la coudoyait de son flot continu de foule, sans qu'elle quittat la place, les yeux emplis de cette splendeur flambante, sous la ligne des réverbères accrochés en dehors à la devanture du magasin. D'abord, c'étaient les blancheurs mates, les luisants aigus de l'argent, les montres alignées, les cha?nes pendues, les couvert

u de ce cadre, au fond d'une sorte de chapelle, sous les pointes effiloquées des cheveux accrochés, un buste de femme tournait. La femme portait une écharpe de satin cerise, qu'une broche de cuivre fixait dans le creux des seins; elle avait une coiffure de mariée très haute, relevée de brins d'oranger, souriant de sa bouche de poupée, les yeux clairs, les cils plantés roides et trop longs, les joues de cire, les épaules de cire comme cuites et enfumées par le gaz. Cadine attendait qu'elle rev?nt, avec son sourire; alors, elle était heureuse, à mesure que le profil s'accentuait et que la belle femme, l

mures adoucis sortent des marchés; les pas des rares passants affairés sonnent sur les trottoirs; tandis que des porteurs, avec leur médaille, sont assis à la file sur les rebords de pierre, aux coins des pavillons, ?tant leurs gros souliers, soignant leurs pieds endoloris. C'est une paix de colosse au repos, dans laquelle monte parfois un chant de coq, du fond de la cave aux volailles. Souvent ils allaient alors voir charger les paniers vides sur les camions, qui, chaque après-midi, viennent les reprendre, pour les retourner aux expéditeurs. Les paniers étiquetés de lettres et de chiffres noirs, faisaient des montagnes, devant les magasins de commission de la rue Berger. Pile par pile, symétriquement, des hommes les rangeaient. Mais quand le tas, sur le camion, atteignait la hauteur d'un premier étage, il fallait que l'homme, resté en bas, balan?ant la pile de paniers, prit un élan pour la jeter à son camarade, perché en haut, les bras en avant. Claude, qui aimait la force et l'adresse, restait des heures à suivre le vol de ces masses d'osier, riant lorsqu'un élan trop vigoureux les enlevait, les lan?aient par-dessus le tas, au milieu de la chaussée. Il adorait aussi le

pourtant, lui parut dr?le, tout en blanc comme une fille qui va communier, le museau rusé et gourmand. Elle l'invita à un déjeuner monstre, qu'elle donna dans les paniers de la criée aux beurres. Ils s'enfermèrent tous trois, elle, Marjolin et Léon, entre les quatre murs d'osier, loin du monde. La table fut mise sur un large panier plat. Il y avait des poires, des noix, du fromage blanc, des crevettes, des pommes de terre frites et des radis. Le fromage blanc venait d'une fruitière de la rue de la Cossonnerie; c'était un cadeau. Un friteur de la rue de la Grande-Truanderie avait vendu à crédit les deux sous de pommes de terre frites. Le reste, les poires, les noix, les crevettes, les radis

onnaient également aux Halles, surveillant les allées des marchés, ramassant tout ce qui tombait, aidant même souvent à tomber, d'un coup d'épaule, les paniers de marchandises. Malgré cette maraude, des notes terribles montaient chez le friteur de la rue de la Grande-Truanderie. Ce friteur, dont l'échoppe était appuyée contre une maison branlante, soutenue par de gros madriers verts de mousse, tenait des moules cuites nageant dans une eau claire, au fond de grands saladiers de fa?ence, des plats de petites limandes jaunes et roidies, sous leur couche trop épaisse de pate, des carrés de gras-double mijotant au cul de la poêle, des harengs grillés, noirs, charbonnés, si durs, qu'ils sonnaient comme du bois. Cadine, certaines semaines, devait jusqu'à vingt sous; cette dette l'écrasai

les oreilles, en la traitant de vaurienne. Cela la complétait, disait-il. Et il éprouvait, malgré lui, comme une admiration pour ces bêtes se

i se retroussent au coin des bornes. Cependant, il poussait dans Cadine des rêveries inquiètes, lorsqu'elle marchait sur les trottoirs, tournant les queues des violettes comme des fuseaux. Et Marjolin, lui aussi, avait un malaise qu'il ne s'expliquait pas. Il quittait parfois la petite, s'échappait d'une flanerie, manquait un régal, pour aller voir madame Quenu, à travers les glaces de la charcuterie. Elle était si belle, si grosse, si ronde, qu'elle lui faisait du bien. Il éprouvait, devant elle, une

provoquer les confidences de Gavard; à la charcuterie, il se méfiait; dans sa boutique, il pérorait, racontait tout ce qu'on voulait. Elle s'était dit qu'elle saurait par lui ce qui ce passait au juste chez monsieur Lebigre; car elle tenait mademoiselle Saget, sa police secrète, en médio

oyer à l'échafaud!... Pourquoi

mant qu'il n'était plus retourné chez monsieur Lebigre et qu'il

rent est de quelque mauvais coup, je le sens. Je viens d'en apprend

lence, elle continua

nête, il n'avait que de bons exemples. Non, c'est dans le sang; il se cassera le co

derniers mots. Quenu baissai

s ici. C'est assez qu'il y couche. Il

mais elle lui ferma la bou

ntage. Veux-tu que je te le dise, à la fin: c'est un homme capable de tout, qui est venu troub

le verrait bien, qu'on allait tout flanquer par terre, et qu'il suffirait de deux hommes déterminés comme son beau-frère et lui, pour mettre le feu à la boutique. C'était le mauvais coup dont elle parlait, quelque conspiration à laquelle le marchand de volailles f

iale; elle ne servit pas Florent

ous mangeons du pain,

s, élargies par le ventre de son frère, et si courtes, qu'elles auraient pu lui servir de vestes. D'ailleurs, il ne retrouvait plus autour de lui les bienveillances molles des premiers temps. Toute la maison haussait les épaules, comme on voyait faire à la belle Lisa; Auguste et Augustine affectaient de lui tourner le dos, tandis que la petite Pauline avait des mots cruels d'enfant terrible, sur les taches de ses habits et les trous de son linge. Les derniers

ne vertu, mais une indifférence suprême, un manque absolu de personnalité. Jamais il ne songea, même lorsqu'il se vit chassé peu à peu, à l'héritage du vieux Gradelle, aux comptes que sa belle-soeur voulait lui rendre. Il avait, d'ailleurs, arrêté à l'avance tout un projet de budget: avec l'argent que madame Verlaque lui laissait sur ses appointements, et les trente francs d'une le?on q

à ces heures-là... ?a ne fait rien, je mangerai un morc

our ne mettre aucun tort de son c?té, préférant attendre qu'il se lassat. Il partait, c'était un bon déba

.. Tu sais que nous ne te renvoyons pas, que diable! Tu vi

ut des inquiétudes plus vives. Elle ne voyait Florent que rarement, le soir, elle s'imaginait des choses terribles, une machine infernale fabriquée en haut, dans la chambre d'Augustine, ou bien des signaux transmis de la terrasse, pour couvrir le quartier de barricades. Gavard prenait des allures assombries; il ne répondait que par des branlements de tête, laissait sa boutique à la garde de Marjolin pendant des journées entières.

e en bas, les pattes de devant cassées et nouées par-dessus le cou; les colliers d'alouettes en guirlande autour de la boutique, comme des parures de sauvages; les grands lièvres roux, les perdrix mouchetées, les bêtes d'eau d'un gris de bronze, les gélinottes de Russie qui arrivent dans un mélange de p

dont la tête, aux dents aigu?s, aux yeux troubles, riait d'un rire de bête morte. Sur la table d'étalage, des poulets plumés montraient leur poitrine charnue, tendue par l'arête du brochet; des pigeons, serrés sur des claies d'osier, avaient des peaux nues et tendres d'innocents; des canards, de peaux plus rudes, étalaient les palmes de leurs pattes; trois dindes superbes, piquées de bleu comme un menton fra?chement rasé, dormaient sur le dos, la gorge recousue, dans l'éventail noir de leur queue élargie. à c?té, sur des assiettes, étaient posés des abatis, le foie, le gésier, le cou, les pattes, les ailerons; tandis que, dans un plat ovale, un lapin écorché et vidé était couché, les quatre membres écartés, la tête sanguinolente, la peau du ventre fendue, montrant

ir été surpris, vautré de la sorte. Il était toujours très-timide, très-

tia-t-il; il était là tout à

pendre une main, elle sentit un fr?lement tiède, elle poussa un petit cri. Sous la table

nt, ce sont tes lapin

lapin blanc qui se réfugia dans un

t-il bient?t,

savait pas. Ses mains tremblaient un

resserre... Il m'a dit, j

suis là... à moins que je ne descende. Tiens! c'est une idée. Il y cinq ans que je m

cipitamment de la boutique, marchant deva

Tout ce que vous v

s de briques blanches et rouges, faite d'arceaux écrasés, pris dans des nervures de fonte et soutenus par des colonnettes. Ce qui l'arrêtait là, plu

urmura-t-elle. Ce ne sera

L'odeur n'est pas mauvaise, quand on y est habitu

nt les bêtes vivantes, allongeaient leurs ruelles régulières, coupées à angles droits. Les becs de gaz étaient rares, les ruelles dormaient, silencieuses, pareilles à un coin de village, quand la provin

an fond, dit le jeune hom

e impasse, dans un trou d'ombre, où pas un file

Je vais tout de même vous montrer no

trouva tout à coup au milieu de ses jupes; elle crut qu'elle s'était

je vais les voir, tes

en finissait plus, il ne pouvait trouver le trou de la serrure. Comme elle l'aidait, elle sentit une haleine chaud

pareil, parce qu'une porte ne veut pas s'ouvr

lapins. Le grillage de la resserre était tout poussiéreux, tendu de toiles d'araignée, à ce point qu'il semblait garni de stores gris; l'urine des lapins rongeait les panneaux du bas; la fiente de la volaille tachait les planches d'éclaboussures blanchatres. Mais Lisa ne voulut pas désobliger Marjolin, en montrant davantage son d

-elle, comment fo

sans lumière. Les marchands sont obligés d'allumer une bo

a main, ils restent tous le cou en l'air, comme si le soleil s'était couché... C'est qu'il est bien défendu de leur laisser la bougie et de s'en alle

gênée, la volaille, s'il faut lui

des ordures. Lui, souffla la bougie, referma la porte. Elle eut peur de rentrer ainsi dans la nuit, à c?té de ce

?onnerait jamais. Je te remercie... Je vais remonter bien vite; on ne doit plus savoir où je sui

doute aux pierres d'abatage... N

à travers les gros madriers de la palissade. Il offrit de lui faire visiter la voie. Elle refusa, en disant que ce n'était pas la peine, qu'elle voyait bien ce que c'était. Comme ils revenaient, ils trouvèrent la mère Palette devant sa resserre, ?tant les cordes d'un large panier carré, dans lequel on entendait un bruit furieux d'ailes et de pattes. Lorsqu'elle eut défait le dernier noeud, brusquement, de grands cous d'oie parurent, faisant ressort, soulevant le couvercle. Les oies s'échappèrent, effarouchées, la tête lancée en avant, avec des sifflements, des claquements de bec qui

à!... L'autre jour, je me suis battue avec un

ssait pas. D'ordinaire, il baissait les paupières devant elle, ainsi qu'une fille. Elle le trouva très-bel homme comme ?a, avec ses larges épaules, sa grande figure rose, dans les bou

avard n'est pas là, dit-elle.

livre, selon la finesse. Elle dut aussi enfoncer la main au fond des grands paniers pleins de duvet. Il tourna ensuite les robinets des fontaines, placées à chaque pilier. Il ne tarissait pas en détails: le sang coulait le long des bancs, faisait des mares sur les dalles; des cantonniers, toutes les deux heures, lavaient à grande eau, enlevaient avec des brosses rudes les taches rouges. Quand Lisa se pencha au-dessus de la bouche d'égout qui sert à l'écoulement, ce fut encore toute une histoire; il raconta que, les jours d'

l respira fortement, comme retrouvant des hardiesses d'appétit. Depuis un quart d'heure qu'il était dans le sous-sol avec la belle Lisa, ce fumet, cette chaleur de b

nt, de m'avoir montré tout ?a... Quand tu viendr

aresse, lui, cédant à une poussée de l'instinct, s'assurant d'un regard oblique que personne n'était là, se ramassa, se jeta sur la belle Lisa, avec une force de taureau. Il l'avait prise par les épaules. Il la culbuta dans un grand panier de plumes, où elle tomba comme une masse, les jupes aux genoux. Et il allait la prendre à la taille, ainsi qu'il prenait Cadine, d'une brutalité d'animal qui

les. Par les soupiraux de la rue Rambuteau, dans le grand silence étouffé de la cave, tombaient les bruits du trottoir. Et elle pensait que ces gros bras seuls l'avaient sauvée. Elle secoua les quelques

harcuterie, très-c

bien longtem

rché partout, répondit-elle tranquilleme

agi en femme honnête. Ce n'était pas pour ce gamin qu'elle irait compromettre sa paix; elle était trop à l'aise, entre son mari et sa fille. Cependant, elle regarda Quenu; il avait à la nuque une peau rude, une couenne rougeatre, et son menton rasé était d'une rugosité de bois noueux;

u la trouva ? diablement portante. ? Il s'était assis

tu veux, nous irons au théatre, un de ces soirs, à la Gai

bonne de courir ainsi après cet animal de Gavard. Il ne l'avait pas vue prendre l'escalier. Elle

y avait encore couché la nuit précédente; elle n'y sentait pas l'homme. Ce fut un étonnement, car elle s'attendait à trouver des caisses suspectes, des meubles à grosses serrures. Elle alla tater la robe d'été d'Augustine, toujours pendue à la muraille. Puis, elle s'assit enfin devant la table, lisant une page commencée où le mot ? révolution ? revenait deux fois. Elle fut effrayée, ouvrit le t

emblement autour, d'une civière. La nuit tombait; mais elle reconnut parfaitement Cadine qui pleurait, au milieu du groupe; tandis que Florent et Claude, les pieds blancs de

t de trouver dans la cave, avec la tête fen

ns le groupe, on disait que ce ne serait rien, que c'était sa faute aussi, à ce gamin, qu'il faisait les cent coups dans les caves; on supposait qu'il avait voulu sauter

qui l'a poussé. Ils sont tou

it ne plus se souvenir. Lisa, tranquillisée, dit qu'il fallait le transporter tout de suite à l'hospice; elle irait le voir, elle lui porterait des oranges et des biscuits. La tête de Marjolin était retombée. Quand on emporta la civière, Cad

lle entendit Claude qui serrait la main

e ma journée... Nous nous étion

a paille fra?che et du crottin chaud; des bandes de poules fouillent du bec la terre molle; des constructions en bois verdi, des escaliers, des galeries, des toitures crevées, s'adossent aux vieilles maisons voisines; et, au fond, sous un hangar à grosse charpente, Balthazar attendait, tout attelé, mangeant son avoine dans un sac attaché au licou. Il descendit la rue Montorgueil au petit trot, l'air satisfait de retourner si vite à Nanterre. Mais il ne repartait pas à vide. La

omelette au lard comme on n'en mange pas dans ? ce gredin de Paris. ? Eux, go?taient la jouissance de cette journée de pare

demanda madame Fran?ois en

a tête, ils regardaient le ciel pale, où les étoiles s'éteignaient. Tout le long de la rue de Rivoli, ils gardèrent le s

vieux... Nous ne sommes pas pres

es, au fond, il eut un réveil, il se mit à parler, tout seul. En passant devant la rue du Roule, il avait regardé ce portail latéral de Saint-

s croyez au hasard, vous, Florent? Je m'imagine que le besoin de l'alignement n'a pas seul mis de cette fa?on une rosace de Saint-Eustache au beau milieu des Halles centrales. Voyez-

nt le silence

là-dedans. Les ma?ons du bon Dieu sont morts, la grande sagesse serait de ne plus construire ces laides carcasses de pierre, où nous n'avons personne à loger... Depuis le commencement du siècle, on n'a bati qu'un seul monument original, un monument qui ne soit copié nulle part, qui ait poussé naturellement dans le sol de l'époque; et ce sont les Halles

, que la femme qui vous a coupé le filet n'a pas volé ses cinq sous?

res. Au rond-point, un cavalier et une amazone passèrent au petit trot. Florent, qui s'était fait un oreiller d'un paquet de feuilles de choux, regardait toujours le ciel, où s'allumait une grande lueur rose. Par moments

e le priai de s'?ter de là, en lui disant que j'allais lui peindre ?a, un peu proprement. Vous comprenez, j'avais tous les tons vigoureux, le rouge des langues fourrées, le jaune des jambonneaux, le bleu des rognures de papier, le rose des pièces entamées, le vert des feuilles de bruyère, surtout le noir des boudins, un noir superbe que je n'ai jamais pu retrouver sur ma palette. Naturellement, la crépine, les saucisses, les andouilles, les pieds de cochon panés, me donnait des gris d'une grande finesse. Alors je fis une véritable oeuvre d'art. Je pris les plats, les assiettes, les terrines, les bocaux; je posai les tons, je dressai une nature morte étonnante, où éclataient des pétards de couleur, soutenus par des gammes savantes. Les langues rouges s'allongeaient avec des gourmandises de flamme, et les boudins noirs, dans le chant clair des saucisses, mettaient les ténèbres d'une indigestion formidable. J'avais

montaient des fortifications. Il se tourna, ne regarda plus Paris, voulut voir la campagne, au loin. à la hauteur de la rue de Longchamp, madame Fran?ois lui montra l'endroit où elle l'avait ramassé. Cela le rendit tout songeur. Et il la contemplait, si saine et si

dinier, occupé à planter des salades, se dérangeat. Ils s'armèrent chacun d'une fourche pour jeter le tas dans le trou au fumier. Cela les amusa. Claude avait une amitié pour le fumier. Les épluchures des légumes, les boues des Halles, les ordures tombées de cette table gigantesque, restaient viv

là un trognon de choux que je reconnais. C'est au moins la dixi

sat curieusement pour regarder dans le clos de madame Fran?ois. Une grande paix venait de cette campagne qu'on ne voyait pas. Entre les quatre haies, le long du potager, le soleil de mai avait comme une pamoison de tiédeur, un silence plein d'un bourdonnement d'insectes, une somnolence d'enfantement heureux. à certains craquements, à certains soupirs légers, il semblait qu'on entend?t na?tre et pousser les légumes. Les carrés d'épinards et d'oseille, les bandes de radis, de navets, de carottes, les grands plants de pommes de terre et de choux, étalaient leurs nappes régulières, leur terreau noir

de tous leurs membres. Les choux avaient une large figure de prospérité, les carottes étaient gaies, les salades s'en allaient à la file avec des nonchalances de fainéantes. Alors, les Halles qu'il avait laissées le matin, lui parurent un vaste ossuaire, un lieu de mort où ne tra?nait que le cadavre des êtres, un charnier de puanteur et de décomposition. Et il ralent

st prête! cria

ouverte au soleil, ils mangèrent si gaiement, que madame Fran?

noircit la mine comme ?a. Il me semble que vous avez un coup de soleil dans les yeux, mai

amitié, à la fois maternelle et tendre. Elle lui fit mille questions sur sa vie, sur ce qu'il comptait devenir plus tard, s'offrant à lui simplement, s'il avait un jour besoin d'elle pour son bonheur. Lui, se sentait très-touché. Jamais une femme ne lui avait parlé de la sorte. Elle lui faisait l'effet d'une plante saine et robuste, grandie ainsi que les légumes dans le terr

ent revenir à pied. La mara?chère les accompagna jusqu'au bout de

jamais quelque chagr

imaient tous deux les grandes courses, les gros souliers sonnant sur la terre dure. De petites fumées montaient derrière leurs talons, à chaque pas. Le soleil oblique prenai

laisamment les deux ombres, heureux et perdu dans le cadencement de la marche, qu'

ez la bataille des Gras et

es Maigres, pliés par le je?ne, regardent de la rue avec la mine d'échalas envieux; et encore les Gras, à table, les joues débordantes, chassant un Maigre qui a eu l'audace de s'introduire humblement, et qui ressembl

ses faims qui ont sucé le sang des petits mangeurs... C'est une continuelle ripaille, du plus faible au plus f

s yeux leurs deux ombres que le soleil co

enez... Dites-moi si, avec des ventres plats comme

ux ombres en souriant.

cri

lée aux os, si plat qu'on pourra me mettre entre deux feuillets d'un livre pour m'enterrer... Et vous donc! vous êtes un Maigre surprenant, le roi des Maigres, ma parole d'honneur. Vous vous rappelez votre querelle avec les poissonnières; c'était superbe, ces gorges géantes lachées contre votre poitrine étroite; et elles agissaient d instinct, elles chassaient au Maigre, co

iselle Saget, et votre

i continuai

été est assez commune... Mademoiselle Saget et madame Lecoeur sont des Maigres: d'ailleurs, variétés très à craindre, Maigres désespérés, capables de tout pour engraisser... Mon ami Marjolin, la petite Cadine, la Sarriette, trois Gras, innocents encore, n'ayant que les faims aimables de la jeunesse. Il est à remarquer que

son ventre entre les deux épaules; la belle Lisa était tout en ventre, et la belle Normande, tout en poitrine; mademoiselle Saget avait certainement laissé échapper dans s

Fran?ois?

assé par cette questio

amais songé à la classer... C'est une brave femme, madame Fran?ois,

'horizon, que leurs ombres colossales tachaient la blancheur du monument, très-haut, plus haut que les statues énormes des groupes, de

il s'est couché, nos deux têt

enne. Lorsqu'il arriva aux Halles, la nuit tombait, les odeurs étaient suffocantes. Il baissa la tête, en rentrant dans son c

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