Therese Raquin
la prirent, elle vendit son fonds. Ses économies jointes au prix de cette vente mirent entre ses mains un capital de quarante mille francs qu'elle pla?a et qui lui rapporta deux mille francs de ren
teurs de clo?tre; un étroit sentier menait à cette retraite située au milieu de larges prairies: les fenêtres du logis donnaient sur la rivière et sur les coteaux déserts de
esse de souffrances. L'enfant eut coup sur coup toutes les fièvres, toutes les maladies imaginables. Mme Raquin soutint une lutte de quinze années c
esta petit et malingre. Ses membres grêles eurent des mouvements lents et fatigués. Sa mère l'aimait davantage pour cette faiblesse qui le pliait
e règles et à une connaissance très superficielle de la grammaire. Plus tard, il prit des le?ons d'écriture et de comptabilité. Mme Raquin se mettait à trembler lorsqu'on lui conseillait d'
tête vide, il go?tait des voluptés infinies au fond de l'hébétement qui le prenait. Il dut se quereller avec sa mère pour entrer chez le marchand de toile; elle voulait le garder toujours auprès d'elle, entre deux couvertures, loin des accidents de la vie. Le jeune homme parla en ma?tre; il réclama le travail comme d'autres enfants réclament des jouets, non par esprit de devoir, mais par instinct, par besoin de nature. Les tendresses, les dévouements de sa mère lui avaien
lorsque Mme Raquin était encore mercière, son frère, le capitaine Deg
it-il avec un sourire. Sa mère est morte...
sut vaguement que la chère petite était née à Oran et qu'elle avait pour mère une femme indigène d'une grande beauté. Le capitaine, une heure avant son départ, lui re
elle-même; elle prit l'habitude de parler à voix basse, de marcher sans faire de bruit, de rester muette et immobile sur une chaise, les yeux ouverts et vides de regards. Et lorsqu'elle levait un bras, lorsqu'elle avan?ait un pied, on sentait en elle des souplesses félines, des muscles courts et puissants, toute une énergie, toute une passion qui dormaient dans sa chair assoupie. Un jour, son cousin était tombé, pris de faiblesse; elle l'avait soulevé et tran
édait un sang-froid suprême, une apparente tranquillité qui cachait des emportements terribles. Elle se croyait toujours dans la chambre de son cousin, auprès d'un enfant moribond; elle avait des mouvements adoucis, des silences, des placidités, des paroles bégayées de vieille femme. Quand elle vit le jardin, la rivière
u bord de l'eau, elle se couchait à plat ventre comme une bête, les yeux noirs et agrandis, le corps tordu, près de bondir. Et elle restait là, pendant des heures, ne pensant à rien, mordue par le soleil, heureuse d'enfoncer ses doigts dans la terre. Elle faisait des r
lueur qui glissait mollement de l'abat-jour de la lampe. Camille, affaissé au fond d'un fauteuil, songeait
ait un jour et qu'elle le laisserait seul et souffrant. Alors elle comptait sur Thérèse, elle se disait que la jeune fille serait une garde vigilante auprès de Camille. Sa nièce, avec ses airs tranqui
devenue ainsi familière et naturelle. On parlait de cette union, dans la famille, comme d'une chose nécessaire, fatale. Mme R
dre de sa tranquillité égo?ste. Il voyait en elle une camarade complaisante qui l'empêchait de trop s'ennuyer, et qui, à l'occasion, lui faisait de la tisane. Quand il jouait avec elle, qu'il la tenait dans ses b
ité d'un calme souverain. Ses lèvres seules avaient alors de petits mouvements imperceptibles. On ne pouvait rien lire sur ce visage fermé qu'une volonté implacable tenait
r aux calineries qui lui donnaient des nausées. Alors il entra?nait Thérèse, il la provoquait à lutter, à se vautrer sur l'herbe. Un jour, il poussa sa cousine et la fit tomber; la jeune f
prit Thérèse à part, lui parla de son père et de sa mère, lui conta l'histoire de
fut tout le changement qu'il y eut dans sa vie, ce jour-là. Et, le lendemain, lorsque les jeunes époux descendirent, Camille avait encore sa