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Pauline

Chapter 2 No.2

Word Count: 6315    |    Released on: 30/11/2017

nes qui ont vécu dans le calme et la retraite ont un merveilleux instinct pour se représenter la vie d'autrui pleine d'orages et de désastres qu'elles s'applaudissent en secret d'avoir évités. C

de nous? Je sens le parfum d'une belle dame. Je parie que c'est madame Ducornay, qui est revenue de Paris avec t

it Pauline, ce n'est

ceux de l'actrice. Oh! ce n'est pas madame Ducornay, certainement. Ce n'est aucune de nos dames, car, quoi qu'elles fassent, à la patte on reconna?t toujours le lièvre. Pourtant je connais cette main-là. Mais c'est quelqu

anda Laurence bas à Pauline. - Nullement, répondit celle-ci, mais elle a toute sa mémoire; et d'ailleurs, notre vie compte si peu d'événements, qu'il est impossible qu'elle ne te reconnaisse pas tout à l'heure. à peine Pauline eut-elle prononcé ces mots,

r lui faire comprendre ce qu'elle éprouvait. Laurence palit, puis se remettant aussit?t: - Je m'attendais à

Comment vous appelle-t-on maintenant? - Toujours Laurence, répondit l'actrice avec calme. - Et elle est toujours Laurence, dit avec chaleur la bonne Pauline en l'embrassant, toujours la même ame généreuse, le même noble coeur... - Allons, arrange-moi, ma fille, dit l'aveugle, qui voulait changer de propos, ne pouvant se résoudr

rouble dans cette suite d'innombrables petites attentions dont la moindre était nécessaire pour lui rendre la vie tolérable. Quand l'aveugle était commodément couchée, et qu'elle ne craignait plus aucun danger, aucune privation pour quelques heures, elle se donnait le cruel soulagement de blesser par des paroles aigres et des murmures injustes les gens dont elle n'avait plus besoin; mais, aux heures de sa dépendance, elle savait fort bien se contenir, et encha?ner leur zèle par des manières plus affables. Laurence eut le loisir de faire cette remarque dans le courant de la journée. Elle en fit encore une autre qui l'attrista da

dont au premier moment elle avait, de ses yeux d'artiste, enveloppé la sainte existence de Pauline. Elle e?t voulu pouvoir persister dans son illusion, la croire heureuse et rayonnante dans son martyre comme une vierge catholique des anciens jours, voir la mère heureuse aussi, oubliant sa misère pour ne songer qu'à la joie d'être aimée et assistée ainsi; enfin elle e?t voulu, puisque ce sombre tableau d'intérieur était sous ses yeux, y contempler des anges de lumière, et non de tristes figures chagrines et froides comme la réalité. Le plus léger pli

vivifiée par le beau son de cette voix, par la pureté de ce langage, par l'animation de cette causerie intelligente, colorée et profondément naturelle, qui caractérise les vrais artistes, et ceux du théatre particulièrement. La mère de Pauline, quoique remplie d'entêtement dévot et de morgue provinciale, était une femme assez distinguée et assez instruite pour le monde où elle avait vécu. Elle l'était du moins assez pour se sentir frappée et charmée, malgré elle, d'entendre quelque chose de si différent de son entourage habituel, et de si supérieur à tout ce qu'elle avait jamais rencontré. Peut-être ne s'en rendait-elle pas bien compte à elle-même; mais il est certain que les efforts de Laurence pour la faire revenir de ses préventions réussissaient au delà de ses espérances. La vieille femme commen?ait à s'amuser si réellement de la causerie de l'actrice, qu'elle l'entendit avec regret, presque avec effroi, demander des chevaux de poste. Elle fit alors un grand ef

ie, confiante... et bien étourdie! car enfin, ma pauvre enfant, c'est elle qui répondra devant Dieu du malheur que tu as eu de monter sur les planches. Elle pouvait s'

urd'hui j'ai la joie de voir ma bonne mère rajeunir au sein d'une honnête aisance; et elle est plus heureuse que moi, s'il est possible, de devoir son bien-être à mon t

mère s'en trouve fort bien, car c'est une femme qui a toujours aimé ses aises et ses plaisirs; mais l'autre vie, mon enfant, vous n'y songez n

de bon go?t; mais la femme de Paris, et la femme artiste surtout, donne aux moindres atours un prestige éblouissant pour la province. Toutes les dames des maisons voisines se collèrent à leurs croisées, les entr'ouvrirent même, et s'enrhumèrent toutes plus ou moins, dans l'espérance de découvrir ce qui se passait chez la voisine. On appela la servante comme elle allait au marché, on l'interrogea. Elle ne savait rien, elle n'avait rien entendu, rien compris; mais la personne en question était fort étrange, selon elle. Elle faisait de grands pas, parlait avec une grosse voix, et portait une pelisse fourrée qui la faisait ressembler aux animaux des ménageries ambulantes, soit à une lionne, soit à une tigresse; la servante ne savait pas bien à laquelle des deux. Le secrétaire de la mairie décida qu'elle était vêtue d'une peau de panthère, et l'adjoint du maire trouva fort probable que ce f?t la duchesse de Berry. Il avait to

stitut, jeune magistrat farouche qui aspirait à être procureur du roi, et qui travaillait à diminuer son embonpoint pour ressembler tout à fait à Junius Brutus. - Vous voulez que je fasse de l'arbitraire! reprenait le magistrat pacifique. La m

i jolie dans ce badinage, que le bon maire en tomba amoureux comme un fou, voulut lui baiser la main, et ne se retira que lorsque madame D... et Pauline lui eurent promis de le faire d?ner chez elles ce même jour avec la belle actrice de la capitale. Le d?ner fut fort gai. Laurence essaya de se débarrasser des impressions tristes qu'elle avait re?ues, et voulut récompenser l'aveugle du sacrifice qu'elle lui faisait de ses préjugés en lui donnant quelques heures d'enjouement. Elle raconta mille historiettes plaisantes sur ses voyages en provinc

pouvant résister plus longtemps à sa curiosité, venait adroitement et comme par hasard voir madame D... Elle se f?t bien gardée d'amener ses filles, elle e?t craint de faire tort à leur mari

uriosité en faisant causer Laurence. Mais, outre que Laurence devint de plus en plus grave et réservée, la présence de la mairesse contraignit et gêna les curiosités subséquentes. La troisième visite gêna beaucoup les deux premières, et fut à son tour encore plus gênée par l'arrivée de la quatrième. Enfin, en moins d'une heure, le vieux salon de Pauline fut rempli comme si elle e?t invité toute la ville à une grande soirée. Personne n'y pouvait résister; on voulait, au risque de faire une chose étrange, impolie même, voir cette petite sous-ma?tresse dont personne n'avait soup?onné l'

gante de petite ville, même lorsqu'elle copie exactement l'élégante des grandes villes; enfin toutes ces recherches de la chaussure, de la manchette et de la coiffure, que les femmes sans go?t exagèrent jusqu'à l'absurde, ou suppriment jusqu'à la malpropreté. Ce qui frappait et intimidait plus que tout le reste, c'était l'aisance parfaite de Laurence, ce ton de la meilleure compagnie qu'on ne s'attend guère, en province, à trouver chez une comédienne, et que, certes, on ne trouvait chez aucune femme à Saint-Front. Laurence était imposante et prévenante à son gré. Elle souriait en elle-même du trouble où elle jetait tous ces petits esprits qui étaient venus à l'insu les uns des autres, chacun croyant être le seul assez hardi pour s'amuser des inconvenances d'une bohémienne, et qui se trouvaient là honteux et embarrassés chacun de la présence des autres, et plus encore du désappointement d'avoir à

font plus peur à personne. Il y a deux ans que l'on n'est venu me tenir compagnie le soir, et c'est un merveilleux hasard qui m'amène toute la ville à la fois. Est-ce qu'on aurait dérangé le calendrier, et ma fête, que je croyais passée il y a six mois, tomberait-elle aujourd'hui? Puis, s'adressant à d'autres qui n'étaient presque jamais venues chez elle, elle poussait la malice jusqu'à leur dire en face et tout haut: - Ah! vous faites comme moi, vous faites taire vos scrupules de c

franchement le parti d'être en public à l'égard de Laurence ce qu'elle était en particulier. Elle l'accabla de soins, de prévenances, de respects même; elle pla?a elle-même un tabouret sous ses pieds, elle lui présenta elle-même

ême. Si elle e?t pu descendre au fond de sa conscience, peut-être e?t-elle découvert que ce r?le généreux était le seul qui l'élevat au niveau de Laurence à ses propres yeux. Il est certain que jusque-là la grace, la noblesse et l'int

n de madame D... et l'aidant à reprendre le chemin de sa chambre, lui dit qu'elle sentait tout le prix de ce qu'elle avait fait et de ce qu'elle avait été pour elle durant cette petite épreuve. - Quant à toi, ma Pauline, dit-elle à son amie lorsqu'elles furent tête à tête, je te facherais, s

i que cela m'est deve

n peu déc

t Laurence en l'embrassant,

amie lui e?t paru sublime, elle ne se serait pas crue humiliée de lui montrer de la reconnaissance; mais elle avait un sentiment si ferme et si légitime de sa propre dignité, qu'elle croyait le courag

n tableau séduisant. Elle s'effor?a de répondre à ses questions par d'autres questions; elle voulut lui faire dire les joies intimes de sa vie évangélique, et tourner toute l'exaltation de leur entretien vers cette poésie du devoir qui lui semblait devoir être le partage d'une ame pieuse et résignée. Mais Pauline ne répondit que par des réticences. Dans leur premier entretien de la matinée, elle avait épuisé tout ce que sa vertu avait d'orgueil et de finesse pour dissimuler sa souffrance. Le soir, elle ne songeait déjà plus à son r?le. La soif qu'elle éprouvait de vivre et de s'épanouir, comme une fleur longtemps privée d'a

fut frappée de l'expression de ses traits. Elle craignit d'en avoir trop dit, et se le reprocha, quoique pourtant toutes ses paroles eussent été pures comme celles d'une mère à sa fille. Puis, involontairement, revenant à ses idées théatrales, et oubliant tout ce qu'elles venaient de se dire, elle s'écria,

s-je assise à l'o

en étouffant un léger baillement, c'est que je ne

e! répondit Pauline en

ais-je

comme toi, le temps d

e voudrais

bles facultés, comme de son temps le plus précieux, un usage stupide, presque impie. Elle se releva encore sur son coude, et dit à Laurence: - Pourquoi donc me comparais-tu à Phèdre? Sais-tu que c'est là un type affreux? Peux-tu poétiser le vice et le crime?... - Laurence ne répondit pas. Fatiguée de l'insomnie de la nuit précédente, calme d'ailleurs au fond de l'ame, comme on l'est,

on tragique. De temps en temps, elle échappait brusquement aux mains de la femme de chambre, et marchait dans l'appartement en s'écriant: ?Ce n'est pas cela!... je veux le dire comme je le sens!? Et elle laissait échapper des exclamations, des phrases de drame; elle cherchait des poses devant le vieux miroir de Pauline. Le sang-froid de la femme de chambre, habituée à toutes ces choses, et l'oubli complet où Laurence semblait être de tous les objets extérieurs, étonnaient au dernier point l

e peux pas en venir à bout! C'était magnifique. Allons! c'est trop récent. Je trouverai cela plus tard, par inspiration! Toute inspiration est une réminiscen

trouva si bien coiffée et si embellie qu'elle fit un cri de surprise. - Ah! mon Dieu, quelle adresse!

nce, nous sommes forcées de nous faire bell

e en laissant tomber ses coudes sur la toilette, et

te voilà encore Phèdre! R

s, et elle pensait avec effroi au lendemain. Elle tomba accablée de fatigue dans son lit, et s'endormit brisée, désirant ne plus s'éveiller. Lorsqu'elle s'éveilla, elle jeta un regard de morne épouvante sur ces murailles qui ne gardaient aucune trace du rêve que Laurence y avait évoqué. Elle se leva lentement, s'assit machinalement devant son miroir, et essaya de refaire ses tresses de la veille. Tout à coup, rappelée à la réalité par le chant de son serin qui s'éveillait dans sa cage, toujours gai, toujours indifférent à

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