Les quatre cavaliers de l'apocalypse
; aucun objet ne se mouvait, aucune figure humaine ne se dessinait dans le paysage. Marcel eut l'impression d'être plus seul qu'au temps o
t la charpente était dépouillée de ses ardoises et noircie par le feu, portait encore sa croix tordue. Dans les rues parsemées de bouteilles, de poutres réduites en tisons, de
aper?ut un vieillard qui s'avan?ait vers lui avec précaution, parmi les décombres. Quelques femmes et quelques enfants suivirent le vieillard et se rassemblèrent autour de Marcel. Depuis quatre jours ces gens vivaie
ieur! Mes peti
!... Du
s le village ni boulangerie, ni boucherie, ni épicerie. Les Allemands s'étaient emparés de tous les comestibles, et le blé même avait péri avec les greniers et les granges. Que pouvait le millionnaire pour remédier à cette détresse? Quoiqu
la route dans la direction qu'il suivait. Quelques minutes plus tard, ce fut tout un convoi de grandes automobiles qui apparurent sur le chemin, escortées par des pelotons de cava
ons des centaines de lits pliants, qui furent répartis dans les différentes pièces. Tout cela se faisait avec une promptitude mécanique, sur des ordres brefs et péremptoires. Une odeur de pharmacie, de drogues concentrées, se répandit dans les appartements et s'y mêla à la forte odeur des antiseptiques dont on avait arrosé l
t des hommes et des hommes, les uns encore capables de marcher, les autres portés sur des brancards: faces pales ou rubicondes, profils aquilins ou camus, têtes blondes ou enveloppées de bandages sanglants, bouches qui riaient avec un rire de bravade ou dont les lèvres bleuies laissaient échapper des plaintes, machoires sou
pleins, des soldats les enlevaient tout dégouttants de sang, et allaient enfouir le contenu au fond du parc. D'autres soldats, par couples, emportaient de longues choses enveloppées dans des draps de lit: c'étaient des morts. Le parc se convertissait en cimetière et des tombes s'ouvraient partout. Les Allemands, armés de pioches et de pelles, se fa
e la faim. Poussé par la nécessité, il s'approcha de quelques médecins qui parlaient le fran?ais; mais il dédaignèrent de répondre à sa demande, et, lorsqu'il voulut insister, ils le chassèrent par une injurieuse bourrade. Eh quoi? Lui faudrait-il donc mo
tement des bouchées dans une grosse miche de pain, puis mordait à même dans un long morceau de saucisse aux pois, de l'air d'un homme déjà repu. Le millionnaire famélique
mprenant fort bien
iche et de la saucisse. Le chatelain les saisit et courut jusqu'au
érée, puis à repartir. Et dire que, de l'un et de l'autre c?té de la ligne de combat, sur plus de cent kilomètres peut-être, il y avait une quantité d'ambulances semblables où les hommes moribonds affluaient de toutes parts, et qu'en outre il re
it au même endroit, avec une serviette pleine de provisions. Il crut que ce
nt son paquet de la main qui
pris sur les sentiments de ce teuto
firmier avec le mê
a Marcel. Comme il a
e chatelain dut donner cinq l
ntendre hors du parc et les chemins s'encombrèrent. C'était une nouvelle invasion, mais à rebours. Pendant des heures entières, il y eut un défilé de camions poudreux dont les moteurs haletaient. Puis ce furent des régiments d'infanterie, des escadrons de cavalerie, des
fenêtres en tremblaient. Un paysan, qui était venu se réfugier au chateau, put donner quelques nouvelles. Les Allemands se retiraient; mais ils avaie
romise. Médecins et infirmiers avaient re?u l'ordre d'évacuer le chateau; c'était pour cela que, chaque fois qu'arrivait
les médecins les acceptèrent, jugeant sans doute inutile que les malheureux poursuivissent leur voyage. Ces
laient une puanteur d'abattoir. En apercevant Marcel debout devant lui, il se rendit compte du lieu où il se trouvait. Parmi tout ce monde qui s'agitait dans le voisinage, le chatelain était la seule personne qu'il conn?t, et, d'une voix faible, il lui adressa la parole comme à un ami. Sa brigade n'avait pas eu de chance; elle était arrivée sur le front à un moment difficile, et elle avait été lancée tout de suite en avant pou
re, monsieur
u sectaire entiché de se
ssédons pas les éléments d'appréciation nécessaires pour en
iable! Avec ses habitudes de raisonneur obtus, lourd et discipliné, il s'obstinait
it de distinguer celles de l'artillerie allemande et celles de l'artillerie fran?aise. Déjà que
partirent dans un grand vacarme d'automobiles qui grin?aient, de chevaux qui piaffaient, d'officiers qui vociféraient. Au
'aise, vinrent s'agenouiller près des ouvertures. Interrompu depuis quelques heures, le combat reprenait de plus belle, et, dans les intervalles de la fusillade et de la canonnade, on entendait comme des claquements de fouet, des bouillonnements de friture, des grincements de moulin à café: c'était la crépitation incessante des fusils et des mi
ues pas de lui. Ce fut alors seulement qu'il remarqua que des batteries prenaient position dans son parc. Plusieurs pièces déjà installées se dissimulaient sous des abris de feuillage, et des rebords de terre d'
dents, serrait les poings; mais il restait immobile, sans désir de s'en aller, admirant le calme des chefs qui donnaient fro
t en l'air et par des colonnes de famée qui s'élevaient en divers points du paysage. Mais les obus fran?ais respectaient le chateau, qui semblait ento
encore, ce fut de n'apercevoir personne, absolument personne, dans ce vaste paysage bouleversé par les rafales d'obus. Plus de cent mille hommes devaient être blottis dans les plis du terrain que ses regards embrassaient, et pas un seul n'était visible. Les engins meurtriers accomplissaient leur tache sans trahir leur présence par d'autres signes perceptibles que la fu
re le mur. Les officiers, debout derrière eux, observaient la plaine avec leurs jumelles de campagne ou discutaient en petits groupes. Les uns semblaient découragés, d'autres exaspérés par le recul accompli depuis la veille; mais la plupart, avec la passivité de la d
s au milieu du tintamarre de l'artillerie, ses oreilles percevaient un bourdonnement faible qui paraissait venir de ce brillant insecte. Les officiers hochèrent la tête: ?Franzosen!? On ne pouvait distinguer les anneaux tricolores, analogues à ceux qui ornent les robes d
était passé depuis l'aube parut sans importance au chatelain; il comprit que l'heure vraiment tra
ndit des troncs en deux, souleva de noires masses de terre avec leurs chevelures d'herbe. Quelques pierres tombèrent du mur. Les Allemands baissèrent un peu la tête, mais san
acides lui rendit la respiration difficile, lui fit monter aux veux la cuisson des larmes; mais, en compensation, il cessa d'entendre les bruits effroyables qui l'entour
ans l'allée qui y conduisait. Mais à mi-chemin un prodige l'arrêta: une main invisible venait d'arracher sous ses yeux la toiture du
sous leurs sombres vo?tes, il poussa un soupir de soulagement. Peu à peu, le silence de cette retraite lui rendit la faculté de
enseveli dans son refuge par une autre explosion, et il remonta vite l'escalier des souterrains. Lorsqu'il fut au rez-de-chaussée, il aper?ut le ciel à travers les toits crevés; il ne subsistait des appartements que des lambeaux de plancher accroc
étendus par terre dans le mutisme de la souffrance. Quelques-uns avaient ouvert leur sac pour y prendre le paquet de pansement et soignaient leurs chairs lacérées. Le nombre des défenseurs du parc s'était beaucoup accru et l'infanterie faisait d
des pierres jaillissaient du sol, comme poussées par un pied mystérieux. Les casques des soldats, les pièces métalliques des équipements, les caissons de l'artillerie carillonnaient sous une grêle magique. De grandes brèches s'étaient ouvertes dans le mur d'enceinte, et, par l'une d'elles, Marcel reconnut, au
rivière, battant de front la ligne allemande protégée par le mur. Et voilà qu'avec la brusquerie d'une saute de vent elle se ruait d'un autre c?té et prenait le mur
in indemne d'une sorte de cataclysme: arbres abattus, canons démolis, caissons sautant avec des déflagrations volcaniques, chevaux éventrés, hommes dépecés dont l
e démence dans les yeux, mirent la ba?onnette au canon; d'autres tournèrent le dos et se précipitèrent vers la porte du
iraient sans répit. Cette fureur n'arrêta pas le progrès de l'attaque, et tout à coup, dans une brèche, des képis rouges apparurent sur les décombres. Une bordée de shrapnells balaya une fois, deux fois cette apparition. Finalement les Fran?ais entrèrent par la brèche ou escaladèrent
y eut un corps à corps, une mêlée: ba?onnettes per?ant des ventres de part en part, crosses tombant comme des marteaux sur des cranes qui se fendaient, couples embrassés qui roulaient par terre en cherchant à s'étr
fièvre de la victoire, qui semblait se propager des hommes aux bêtes, leur rendait encore possible un trot forcé et douloureux. Un de ces dragons fit halte à l'entrée du parc, et sa monture s
du bord de la Marne, harassés, sales, couverts de poussière et de bou
ndiés surgissaient des individus verdatres, coiffés du casque à pointe, et ils levaient les bras en montrant leurs mains ouvertes et en criant ?Kamarades!... Kamarades!... Non kaput!? Ils tremblaient d'être massacrés sur place. Loin de leurs o
répétait-il, pour se faire protéger pa
ênait. Il y en avait des centaines et des milliers. Les soldats et les paysans travaillaient à enfouir les cadavres sur le lieu même où ils les trouvaient. Il y avait des fosses dans toutes l
Paris, où il était résolu
eaucoup de Fran?ais. Des pantalons rouges, des képis, des chéchias, des casques à crinière, des sabres tordus, des ba?onnettes brisées jonchaient la campagne. ?à et là on apercevait
upportable. D'abord il avait passé au milieu des tués de la veille, encore frais; ensuite, de l'autre c?té de la rivière, il avait trouvé ceux de l'avant-veille; plus loin, c'étaient ceux de t
te pourriture, pensa Marcel. Nous allon
nt sur la plaine leurs silhouettes bizarres, qui faisaient penser à des squelettes de gigantesques animaux préhistoriques: c'étaient les restes d'usines détruites par l'incendie.
rrain et de donner la chasse aux tra?nards ennemis. Le chatelain dut leur expliquer son histoire, leur montrer le passeport qui lui avait permis de faire le voyage dans le train mi
nduire à coups de pie
hes vint aussit?t bourdonner autour de sa tête. Une odeur de chairs putréfiées le saisit aux narines. Une jambe, qui avait l'air d'être de carton roussi, sortait d'entre les platras. Il crut revoir la bonne vieill
c son taximètre fixé au siège du cocher. Le chauffeur se promenait tranquillement près du véhicule, comme s'il e?t été à sa station. Cet homme av
ur vous, dit-il, si v
tant de force à sa fidélité, c'était peut-être que l'offre de dix louis était faite par un quidam qui,
reprit Marcel en tirant de
rit la portière. Les journalistes pouvaient attendre jusqu'au lende
itale si belle. En revoyant l'Opéra et la place de la Concorde, il lui sembla qu'il rêvait: le contraste était trop
ortier, ébahi de lui voir ce sordide aspe
arrivé à Monsieur?... D'où
! répondit
une visite inattendue. Un soldat d'infanterie
e reconn
...
le rouge n'avait pas l'éclat du neuf; sa capote trop longue était usée, rapiécée; ses gros souliers exhalaient une odeur de cuir
fendre mon pays, qui n'est pas le tien[H]. Cela m'effraie pour toi, et cependant
andis qu'une expression de haine donnai
s. Ce n'est pas une guerre comme les autres, une guerre où l'on se bat contre des adversaires loyaux; c'est
mouvement d'hésitation
arrête point. Il y a dans les rangs ennemis des hommes de ta famille, mais ils