La guerre et la paix, Tome III
e gouverneur, ainsi qu'une lettre du prince André, qui l'engageait à cont
tout après sa rencontre avec Rostow. Profondément attristée et inquiète, la douleur que lui causait la mort de son père s'ajoutait dans son c?ur à celle que lui faisaient éprouver les désastres de la Russie, et, malgré le mois de tranquillité et de vie régulière qu'elle venait de passer, ces pénibles sentiments semblaient cro?tre en intensité. Le danger que courai
jeunes gens, et lui demanda son consentement, qui lui fut accordé de grand c?ur. Ce premier point réglé, elle parla de Rostow en présence de la princesse Marie, et lui raconta comment il avait rougi en entendant prononcer son nom. Celle-ci, au lieu d'éprou
que sa tante et la femme du gouverneur formaient des projets sur Rostow et sur elle, et alors elle se reprochait ces pensées, qu'elle attribuait à son iniquité. Comment pouvait-elle les croire capables de songer à un mariage, lorsqu'elle portait encore des pleureuses? Et cependant elle s'ingéniait à composer les phrases avec lesquelles elle devait l'accueillir, mais, dans la crainte d'en dire trop o
princesse Marie avec calme, surprise
se. Si la princesse Marie avait été capable de réfléchir à ce moment-là, elle e?t été bien plus étonnée que sa compagne du changement qui s'était opéré en elle. à peine eut-elle aper?u ce visage qui lui était devenu si cher, qu'un flot de vie dont l'influence la faisait agir et parler en dehors de sa volonté, l'envahit tout entière. Ses traits se transfigurèrent et s'illuminèrent d'une beauté imprévue; tel un vase dont les fines ciselures ne présentent qu'un enchevêtrement de lignes opaques et confuses jusqu'au moment où une vive lumière vient en éclairer les parois transparentes. Pour la première fois, le travail intérieur auquel s'était livrée son ame, ses souffrances, ses aspirations au bien, sa résignation, son amour,
eux; elle suivait timidement des yeux les mouvements de son neveu chéri dans les bras de l'homme qu'elle aimait. Il comprit la signification de ce regard, rougit de plaisir et embrassa l'enfant de bon c?ur; il ne se crut pourtant pas autorisé à revenir la voir souvent, à cause de son grand deuil; mais la femme du gouverneur continua à man?uvrer, et
ant à l'influence des circonstances et des personnes, non seulement il ne faisait rien de répréhensible, mais laissait s'accomplir un acte important dans son existence. Sans doute, après son entrevue avec la princesse Marie, il vécut en apparence de la même vie qu'auparavant; mais les plaisirs dont il s'amusait jusque-là perdirent pour lui tout leur charme; les idées qui se rapportaient à elle n'avaient rien de commun avec celles que lui avaient inspirées jusque-là les autres jeunes filles, ni avec l'amour exalté dont il avait jadis entouré l