Leone Leoni
ais son humeur était plus joyeuse que je ne l'avais encore vue. Cela me donna le courage de m'ennuyer
s un objet plus intéressant pour moi me rejeta dans d'autres pensées. En entrant dans la chambre où avait couché Leoni, je vis à terre le fameux coffre; il était ouvert et entièrement vide. J'eus l'ame soulagée d'un grand poids. Le dr
ros brillants que je reconnus aussit?t pour appartenir à mon père, et pour m'avoir servi le jour du dernier bal à attacher une écharpe sur mon épaule. Cette circonstance me frappa tellement que je ne pensai plus au coffre ni au secret de Leoni. Je ne sentis plus qu'une vague inquiétude pour ces bijoux que j'avais emportés dans ma fuite, et do
. Il semblait vouloir pénétrer jusqu'a
dre? lui dis-je; qu'est-ce
pos vient-elle? repri
rre. Alors la crainte m'est venue que, dans le trouble de nos voyages et l'agitation de notre fuite, tu n'eusses
si naturellement et j'avais si peu l'idée de le soup?onner qu
vé cela? Es-tu s?re que cela vienne de ton père et n'ait pas été
cachet imperceptible: c'est la marque de mon
ment c'est le seul bijou que nous ayons emporté par mégarde; tous les autres ont été remis à une personne s?re et adressés à Delpech, qui les aura exactement
u moins dix mille f
. Ah ?a! es-tu prête? les malles sont-elles refermées? Il y a une gondole
ver, et de légères statues qui semblaient se pencher sur nous pour nous saluer. Le concierge et quatre domestiques en livrée vinrent nous aider à débarquer. Leoni prit le flambeau de l'un d'eux, et, l'élevant, il
tre noble. En France on ne sait plus ce que c'est, en Belgique on ne l'a jamais su. Ici, le peu de noblesse qui reste est encore fastueux et fier; on ne démolit pas les palais, on les laisse tomber. Au milieu de ces murailles chargées de trophées et d'écussons, sous ces plafonds armoriés, en face de ces a?eux de Leoni peints par Titien et Véronèse, les uns graves et sévères sous leurs manteaux fourrés, les autres élégants et gracieux sous leur justaucorps de satin noir, je comprenais cette vanité du rang, qui peut être si brillante et si aimable quand elle ne décore pas un sot. Tout cet entourage d'illustration allait si bien à Leoni, qu'il me serait impossible aujourd'hui encore de me le représenter roturier. Il était vraiment bien le fils de ces hommes à barbe noire et à mains d'albatre, dont Van Dyck a immortalisé le type
e. A présent, viens souper, j'ai deux convives à te présenter. Arrange tes cheveux
présentés; ils étaient Vénitiens, tous deux agréables de figure, élégants dans leurs manières, et, quoique bien inférieurs à Leoni, ayant
tout haut en riant,
qu'on appelait le marquis,
assaient chaque soir de main en main. Leoni m'avait permis de me retirer après le souper, et je n'y manquais pas. Peu à peu le nombre de nos connaissances augmenta tellement, que j'en ressentis de l'ennui et de la fatigue; mais je n'en exprimai rien. Leoni semblait toujours enchanté de cette vie dissipée. Tout ce qu'il y avait de dandys de toutes nations à Venise se donna rendez-vous chez nous pour boire, pour jouer et pour faire de la musique. Les meilleurs chanteurs des théatres venaient souvent mêler leurs voix à nos instruments et à la voix de Leoni, qui n'était ni moins belle ni moins habile que la leur. Malgré le charme de cette société, je sentais de plus en plus le besoin du repos. Il est vrai que nous avions encore de temps en temps quelques bonnes heures de tête-à-tête; les dandys ne venaient pas tous les jours: mais les habitués se composaient d'une douzaine de personnes de fondation à notre table. Leoni les aimait tant, que je
de la nature à laquelle nous ne pouvions nous soustraire. Sois s?re que tout est arrangé pour le mieux dans ce monde mauvais. Le coeur de l'homme n'a pas plus de vigueur que les biens de la vie n'ont de durée: soumettons-nous, plions. Les fleurs se courbent, se flétrissent et renaissent tous les ans; l'ame humaine peut se renouveler comme une fleur, quand elle conna?t ses forces et qu'elle ne s'épanouit pas jusqu'à se briser. Six mois de félicité sans mélange, c'était immense, ma chère; nous serions morts de trop de bonheur si cela e?t continu
Oh! que tu es bon de le vouloir et de me le promettre!... Mais, dis-mo
nous parlons plus qu'au milieu des chants et des rires. Pourquoi avo
ce que c'est que votre propre coeur. Bonne, sensible et confiante, vous croyez que c'est un foyer d'éternel amour; mais le soleil lui-même n'est pas éternel. Tu ne sais pas que l'ame se fatigue comme le corps, et qu'il faut la soigner de même. Laisse-moi faire,
disais le soir sur la montagne? Me priais-tu de ne pas tr
euse des recherches. Il faut secouer ce besoin égo?ste qui nous fait toujours fouiller dans notre coeur et dans celui qui nous aime, comme un laboureur cupide qui épuise la terre à force de lui demander de produire. Il faut savoir se faire insensible et frivole par intervalles; ces distractions ne sont dangereuses que pour les coeurs faibles et paresseux. Une ame ardente doit les rechercher pour ne pas se consumer elle-même; elle est toujours assez riche. Un mot, un regard suffit pour la faire tressaillir au milieu du tourbillon léger qui l'emporte, et pour la ramener plus ardente et plus tendre au sentiment de sa passion. Ici, vois-tu, nous avons besoin de mouvement et de variété; ces grands palais sont beaux, mais ils sont tristes. La mousse marine en ronge le pied, et l'eau limpide qui