Le Journal d'une Femme de Chambre
oct
s son intimidante fixité. Il a des fa?ons de marcher lentes et glissées, qui me font peur. On dirait qu'il tra?ne rivé à ses chevilles un boulet, ou plut?t le souvenir d'un boulet... Est-ce le bagne qu'il rappelle ou le couvent?... Les deux, peut-être. Son dos aussi me fait peur et aussi so
ne, la plus rebutante des besognes. Il est ingénieux; il sait tout faire, même les choses les plus difficiles et les plus différentes, qui ne sont point de son service. Il traite le Prieuré, comme s'il était à lui, le surveille, le garde jalousement, le défend. Il en chasse les pauvres, les vagabonds et les importuns, flaireur et mena?ant comme un dogue. C'est le type du serviteur de l'ancien temps, le domestique d'avant la Révolution... De Joseph, on dit, dans le pays: ?Il n'y en a plus comme lui... Une per
e jetterait au feu
e l'accable de menues génér
ts et sur les êtres. Elle finit, peu à peu, par effacer les traits d'un visage, par estomper les déformations; elle fait qu'un bossu avec qui l'on vit quotidiennement n'est plus, au bout d'un certain temps, bossu... Mais il y a autre chose; il y a tout ce que je découvre en Joseph de nouveau et de profond... et qui me bouleverse. Ce n'est pas l'harmonie des traits, ni la pureté des lignes qui crée pour une femme, la beauté d'un homme. C'est quelque chose de moins apparent, de moins défini... une sorte d'affinité et, si j'osais... une sorte d'atmosphère sexuelle, acre, terrible ou grisante, dont certaines femmes subissent, même malgré elles, la forte hantise... Eh bien, Joseph dégage autour de lui cette atmosph
nouillé contre le mur où s'alignent des espaliers... Et soudain il dispara?t... il s'évanouit... Le temps de pencher la tête... et il n'y a plus personne... S'enfonce-t-il dans l
Joseph!... O
nse... J'ap
Joseph!... O
oi. Il surgit, devant moi, dans le soleil, avec son masque sévère et fermé, ses cheveux aplatis sur le cr
que vous m'av
ire effrayant qui, véritablement, a des lueurs courtes, r
lé, n'a rencontré partout que de l'incrédulité; tout le monde a haussé les épaules... Hier, les gendarmes ont arrêté un pauvre colporteur qui a pu prouver facilement qu'il n'était pas dans le pays, au moment du crime. Le père, désigné par la rumeur publique, s'est disculpé... Du reste, on n'a sur lui que les meilleurs renseignements... Donc, nulle part, nul indice qui puisse mettre la justice sur les traces du coupable. Il para?t que ce crime fait l'
conna?tre. Elle est toute dr?le, depuis la nouvelle. Elle a des fa?ons de regarder Monsieur qui ne sont pa
mme Monsieur manifestait l'intenti
r ici... Qu'est-ce que tu as
din. Naturellement, Monsieur ne s'aper?oit de rien; il n'en perd pas
er soir, pendant plus de vingt minutes, j'ai écouté derrière la porte du salon... J'ai entendu
t'ai donné hier?..
... a répond
es s
ui, mig
me manque tre
s moi qui le
c'est le
ont rien di
?onner... pas d'autres indices que ses yeux, pas d'autres preuves que ce léger mouvement de surprise qui lui échappa, lorsque, de retour de chez l'épicière, brusquement, dans la sellerie, je lui jetai pour la première fois au visage le nom de la petite Claire, assassinée et violée... Et cependant, ce soup?on purement intuitif a grandi, est devenu une possibilité, puis une certitude. Je me trompe, sans dout
vez violé la petite Claire dans le
Mais, est-ce bien le samedi du crime que Joseph est allé dans la forêt de Raillon?... Je cherche en vain à préciser la date de son absence... Et puis, avait-il réellement ces gestes inquiets, ces regards accusateurs que je lui prête et qui me le dénoncent?... N'est-ce pas moi qui m'acharne à me suggestionner l'étrangeté inhabituelle de ces gestes et de ces regards, à vouloir, sans raison, contre toute vraisemblance, que ce soit Joseph-une perle-qui ait fait le coup?... Cela m'irrite et, en même temps, cela me confirme dans mes appréhensions, de ne pouvoir reconstitue
e la terre de bruyère, dans la forêt de Rai
e journal qu'il lisait... Son ame est b
i ?a?...
savo
end, sans affectation, l'air de quelqu'un qui fouillerait dans sa
plus trop... je crois b
aire dans le bois?... poursuis-je, en donnant à cette
evenu quelque chose de si aigu, de si terrible, que, malgré mo
core... Ma foi!... je crois b
l aj
utre chose. Si vous lisiez le journal... vous verriez qu'on a en
isés, sa voix ne tremble plus... Je me tais... et Joseph, reprenant le journal
peut-être que de la hablerie... c'est surtout de la politique... Je cherche quelque chose de plus précis, de plus formel, à quoi je ne puisse pas me tromper sur le tempérament criminel de Joseph. Et je ne trouve toujours que des impressions vagues et mor
dans la tête... Il pourrait les tuer, d'un coup, sans les faire souffrir. Mais il aime à prolonger leur supplice par de savants raffinements de torture; il aime à sentir leur chair frissonner, leur coeur battre dans ses mains; il aime à suivre, à compter, à recueillir dans ses mains leur souffrance, leurs frissons d'agonie, leur mort... Une fois,
lus qu'il souffre, tant plus
sous le matelas des plumes, sa chair soubresautait... Alors Joseph jeta l'animal sur les dalles de la cuisine et, les coudes aux genoux, le menton dans
uez-le donc tout de suite... c'est
eph ré
se... J'a
de ce souvenir, j'entends toutes les paroles de ce souvenir... E
s le bois... Oui... oui... j'en suis s?re, maint
les canailles... Ils ont un imprévu qui fouette le sang... une odeur particulière qui vous grise, quelque chose de fort et d'apre qui vous prend par le sexe. Si infames que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens. Ce qui m'ennuie de Joseph, c'est qu'il a la réputati
e, parce que rien ne peut m'enlever désormais la certitud
éfiant, il évite de se livrer aux autres, car il croit qu'on veut le ?mettre dedans?. Il doit posséder de nombreux secrets, mais il les cache jalousement, sous un masque sévère, renfrogné et brutal, comme on renferme des trésors dans un coffre de fer, armé de barres solides et de mystérieux verroux. Pourtant, vis-à-vis de moi, sa méfiance s'atténue... Il est charmant pour moi, dans son genre... Il fait tout ce qu'il peut pour me marquer son amitié et me plaire. Il se charg
d'ordre. L'ordre, voyez-vous, c'est la fortune. Et quand on est gen
l, rien n'est plus difficile que de le faire parler... Il refuse tous les longs entretiens, craignant sans doute de se compromettre. Deux mots par ci... deux mots par là... aimables ou bourrus... et c'est tout.
te Claire, j'allai retrouver Joseph dans la sellerie où, à la lueur d'une lanterne sourde, il épluchait des graines, assis devant une petite table de bois blanc. Son ami, le sacristain, était là, près de lui, debout, portant sous ses deux bras des paquets de petites brochures, rouges, vertes,
us, Célestine
cacher ses brochures.
t Mademoiselle... C'e
reco
ter des abonnements... Et, que je te le dise encore... va partout... entre dans toutes les maisons... même chez les républicains... Ils te foutront peut-être à la
yant recalé les brochures sous ses bras, il pa
l vit ma figure curieuse
juifs, qu'on distribue pour la propagande... Je me suis arrangé avec les messieurs prêtres... je
ses graines. Les deux chiens réveillés tournèrent
as mal payé... Ah! ils en ont de l'ar
craint d'avoir tro
s une bonne femme... une femme d'ordre... et que j
un s
venue ici, ce soir... remercia-t-i
penchai sur la petite table, tout près de lui, et, remuant les
ès le d?ner. On n'a pas eu le temps de tailler une bavet
estine... C
ratta l
is... Les mulots ne me laissent pas une salade, ces vermines-là
ruyère de la forêt, affreusement pale et sanglante... Mais les regards de Joseph n'étaient pas méchants; ils semblaient plut?t timides... On se voyait à peine dans cette pièce sombre
en?a-t-il... Eh bien, voilà... J'ai de l'amitié pour vous... Vous êtes une bo
'un malicieux et gentil
s ne me parliez jamais... vous me bousculiez toujours... Vous rappelez-vous les scènes que vou
à rire et haus
oup... Les femmes, surtout, c'est le diable à conna?tre... et
ez si bien, Joseph, dites
ée, l'oeil gra
Célestine?... Vou
comme vou
moi, dans le fin fond de l'ame, c'est la mêm
nt de silence. Il repri
pour vous, Céles
puis
l'argent... un
h?
pendant quarante ans, dans de bonnes maisons, s
n plus par les paroles et par les allures d
eu... seu
... Faite
un léger
t pas ici... Il est dans un
ais com
e voix bass
mille francs...
vous êtes c
moins aussi...
ressèrent la tête, bondirent vers la porte et
pied dans les flancs... c'est des gens qui passent dans le chemin...
t de pas tra?nant sur le chemin, puis un bruit plus l
pièce où son coude heurtait aux lambris de sapin des lanières de cuir... Nous ne parlions plus, moi horriblement gênée, et regr
t d'un petit café, près du port, d'un petit café, placé on ne peut pas mieux... L'armée boit beaucoup, en ce moment... tous les patriotes sont dans la rue... ils crient, ils gueulent, ils s'assoiffent... Ce serait l'instant de l'avoir... On gagnerait des mille et des cents, je vous en réponds... Seulement, voilà!... fa
fis-je,
upposition?... ?a
oi
ais de surprise en surprise. Bouleversée, je n'ava
eulement point entendre une plaisanterie... vous êtes patriote, nom de nom!... Et puis vous êtes gentille, mignonne tout plein... vous avez des yeux à rendre folle toute la garnis
n? Et v
... On se marierai
e... vous voulez que je fasse la put
s épaules, et, t
nneur, Célestine... ?a
les mains, les serra à me faire
e vous dans le petit café... J
u épouvantée de cet aveu, et sans un
le francs... On ne sait pas ce que ?a fait de petits... cet argent-là... Et puis, des chos
orps qui tremblait de désirs contre moi... S'il avait voulu, il m'e?t prise, il m'e?t étou
lace, une belle femme, habillée en Alsace-Lorraine, avec un beau corsage de soie... et de larges rubans
aussi, sans haine, sans horreur contre le cynisme de cet homme... Joseph répéta, de cette même bouche qui avait baisé les plaies sanglant
le... Mais pour arranger une femme, Célestine... retenez bie
vraiment, de sinistres!... Est-ce u
les jours... Je le regarde, et je voudrais le détester... je voudrais que sa laideur m'appar?t telle, qu'un immense dégo?t me séparat de lui à jamais... Eh bien, non... Ah! comme c'est dr?le!..