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Le rêve

Chapter 4 No.4

Word Count: 6072    |    Released on: 06/12/2017

in et le soir: elle s'y abandonnait, elle y go?tait l'escapade de ses songeries. Parfois même, au cours de la journée, lorsqu'elle pouvait y courir un instan

es vieux meubles de chêne semblaient noirs. Lors des embellissements du salon et de la chambre à coucher, en bas, où avait monté là l'antique mobilier,

qui jadis régnait sur la largeur de l'étage, n'existait plus que devant la fenêtre de droite. Comme les solives, dessous, étaient encore bonnes, on avait remis un parquet et vissé dessus une rampe de fer, à la place de l'ancienne balustrade pourrie. C'était là un coin charmant, une sorte de niche, sous la pointe du pignon, que fermaient des voliges, remplacées au commencement de ce siècle. Lorsqu'on se penchait, on voyait toute la fa?ade sur le jardin, très caduque celle-ci, avec son soubassement de petites pierres

uchant sur le Clos-Marie, vaste terrain laissé inculte. Ce Clos-Marie était l'ancien verger des moines. Un ruisseau d'eau vive le traversait, la Chevrote, où les ménagères des maisons voisines avaient l'autorisation de laver leur linge; des familles de pauvres se terraient dans les ruines d'un ancien moulin écroulé; et personne autre n'habitait le champ, que la ruelle des Guerdaches reliait seule à la rue Magloire, entre les hautes murailles de l'

se lassait, en fac

Claire, une enfant de son age. Dans le jardin de l'évêché, c'était une épaisseur de branches plus profonde encore, elle avait tenté en vain de reconna?tre la soutane de Monseigneur; et la vieille grille garnie de volets, qui s'ouvrait sur le clos, devait être condamnée

s seuls s'étaient plu à voir reverdir le Clos-Marie, sous les soleils d'avril. Il a poussée des feuilles t

t les herbes, et que le vent lui apportait l'odeur plus forte des verdures. Des angoisses brusques, sans cause, la serraient à

nheur que lui donnaient les anges. Parfois, au fond de son grand lit, elle s'éveillait en sursaut, les deux mains jointes, serrées contre sa poitrine; et il lui fallait sauter

reconna?tre, de se sentir comme agrandie de joies et de doule

précédentes, un grand paulownia en fleur, dont l'énorme bouquet violatre apparaissait entre deux ormes du jardin des Voincourt? Cette année, dès qu'elle le regardait, une émotion troublait ses yeux, tellement ce violet pale lui allait au c?ur. De même, elle ne se souvenait point d'avoir entendu la Chevrote causer si haut sur les cailloux, parmi

nfantement avait duré trois siècles et où se superposaient les croyances des générations. En bas, elle était agenouillée, écrasée par la prière, avec les chapelles romanes du pourtour, aux fenêtres à plein cintre, nues, ornées seulement de minces colonnettes, sous les archivoltes. Puis, elle se sentait soulevée, la face et les mains au ciel, avec les fenêtres ogivales de

alement, était orné de fleurons. Et tout l'édifice fleurissait, à mesure qu'il se rapprochait du ciel, dans un élancement continu, délivré de l'antique terreur sacerdotale, allant se perdre au

la pointe d'une aiguille. Des plantes, toute une flore, les lichens, les graminées qui poussent aux fentes des murailles, animaient les vieilles pierres du sourd travail de leurs racines. Les jours de grandes pluies, l'abside entière s'éveillait et grondait, dans le ronflement de l'averse battant les feuilles de plomb du comble, se déversant par les rigoles des galeries, roulant d'étage en étage avec la clameur d'un torrent débordé. Même les coups de vent terribles d'octobre et de mars lui donnaient une ame, une

esse basse; l'agenouillement léger d'une femme, un frisson à peine deviné

i avaient espéré et désespéré devant ses autels. C'était une veille continue, venant de l'infini du passé, allant à l'éternité de l'avenir, la veille mystérieuse et terrifiante d'une maison où Dieu ne pouvait dormir. Et, dans la masse noire, immobile et vivante, ses regards retournaient toujours à la fenêtre d'une chapelle du ch?ur, au ras des arbustes du Clos-Marie, la seule qui s'allumat, ainsi qu'un ?il vague ouvert sur la nuit. Derrière, à l'angle d'un pilier, br?lait une l

a fenêtre, jusqu'à l'archivolte. Dans le bas, la fille du roi, sortie de la ville en habits royaux, pour être mangée, rencontrait saint Georges, près de l'étang, d'où émergeait déjà la tête du monstre; et une banderole portait ces mots: ?Bon chevalier, ne te peris pas pour moy, car tu ne me pourrois ayder ne

gon la suyvit comme un tres debonnaire chien.? Lors de son exécution, le vitrail devait être surmonté, dans le plein cintre,

de quatre croisettes de même; d'Hautec?ur, qui est d'azur à la forteresse d'or, avec un écusson de sable au c?ur d'argent en ab?me, le tout accompagné de trois fleurs de lis d'or, deux en chef, une en pointe. L'écu était soutenu, de dextre et de senestre, par deux chimè

e s'était passionnée pour saint Georges. à cette distance, elle distinguait mal les figures, elle les apercevait dans un ag

tres, d'autres histoires s'évoquaient, surtout celle des dames d'Hautec?ur, les Mortes heureuses, ainsi que les nommait la légende. Dans la famille, les femmes mouraient jeunes, en plein bonheur. Parfois, deux, trois générations étaient épargnées, puis la mort reparaissait, souriante, avec des mains douces, et emportait la fille ou la femme d'un Hautec?ur, les plus vieilles à vingt ans, au moment de quelque grande félicité d'amour, Laurette, fille de Raoul Ier, le soir de ses fian?ailles avec son cousin Richard, qui habitait le chateau, s'étant mise à sa fenêtre, l'aper?ut à la sienne, de la tour de David à la tour de Charlemagne; et elle crut qu'il l'appelait, et comme un rayon de lune jetait entre eux un pont de clarté, elle marcha vers lui; mais, au milieu, dans sa hate, un faux pas la fit sortir du rayon, elle tomba et se brisa au pied des tours; si bien que, depuis ce temps, chaque nuit, lorsque la lune est pure, elle mar

s noms de Laurette et de Balbine sur de vieilles pierres tombales, encastrées dans les murs de la chapelle. Alors, pourquoi donc ne mourrait-elle pas toute jeune, heureuse elle aussi? Les armoiries rayonnaient, le saint descendait de son vitrail, et elle était ravie au ciel, dans le petit souffle d'un baiser. La Légende le lui avait enseigné:

u ciel s'unir à Marie. Et, quant aux anges et aux saints, ils sont les ordinaires compagnons des hommes, vont, viennent, passent au travers des murs, se montrent en rêve, parlent du haut des nuages, assistent à la naissance et à la mort, soutiennent dans les supplices,

saints guérissent les yeux malades, les membres paralysés ou desséchés, la lèpre, la peste surtout. Pas une maladie ne résiste au signe de la croix. Dans une foule, les souffrants et les faibles sont mis à part, pour être guéris en masse, d'un coup de foudre. La mort est vaincue, les résurrections sont si f

es et des martyrs confondent les menteurs, forcent les voleurs à restituer leurs larcins, exaucent les v?ux des femmes stéri

cilles faucher toutes seules et des serpents d'airain se mouvo

et encore les têtes coupées parlent, les calices brisés se réparent d'eux-mêmes, la pluie s'écarte d'une église pour noyer les palais voisins, la robe des solitaires ne s'use point, se refait à chaque saison, comme une peau de bête. En Arménie, les persécuteurs jettent à la mer les cercueils de

e de prodiges, le lever des astres et l'éclosion des simples violettes. Cela lui

u, avec la tache du péché originel à effacer; elle n'avait aucune liberté, Dieu seul pouvait opérer son salut en lui envoyant la grace; et la grace était de l'avoir amenée sous le toit des Hubert, à l'ombre de la cathédrale, vivre une vie de soumission, de pureté et de croyance. Elle l'entendait gronder au fond d'elle, le démon du mal héréditaire. Qui sait ce qu'elle serait devenu

té; il s'élargissait de tout ce qu'elle ignorait, s'évoquait de l'inconnu qui était en elle et dans les choses. Tout venait d'elle pour retourner à elle, l'homme créait Dieu pour sauver l'homme, il n'y

ciel criblé d'étoiles, et elle ne distinguait que les masses ténébreuses des vieux ormes de l'évêché et de l'h?tel Voincourt. Seul, le vitrail de la chapelle luisait. Si personne ne devait venir, pourquoi donc son c?ur battait-il ainsi, à larges coups? C'était une attente

x s'effor?aient de percer les ténèbres. était-ce enfin le prodige attendu? Non, rien encore, rien que le battement d'ailes d'un oiseau de nuit, sans doute. Et elle tendait de nouveau l'oreille, elle percevait jusqu'au bruissement diffèrent des feuilles, dans les ormes et dans les saules. Vingt fois, ainsi, un frisson la secoua toute, lorsqu'une pierre roulait dans le ruisseau ou qu'une bête r?deuse glissait d'un mur. Elle se penchait, défaillante. Rien, rien encore. Enfin, un soir qu'une obscurité plus chaude tombait du ciel. sans lune, quelque chose commen?a. Elle craignit de se tromper, cela était si léger, presque insensible, un petit bruit, nouveau parmi les bruits qu'elle connaissait. Il tardait à se reproduire, elle retenait son haleine. Puis, il se fit entendre plus fort, toujours confus. Elle aurait dit le bruit lointain, à peine deviné, d'un pas, ce tremblement de l'air annon?ant une approche, hors de la vue et des oreilles. Ce qu'elle attendait venait de l'invisible, sortait lentement de tout ce qui frissonnait à son entour. Pièce à pièce, cela se dégageait de son rêve, comme une réalisation des vagues souhaits de sa jeunesse. était ce le saint Georges du vitrail qui, de ses pieds

le jour finissant et s'en allait, derrière le comble de la cathédrale, pareil à un ?il de clarté vive que la paupière recouvre

Elle la perdait, la retrouvait, sans jamais arriver à la définir. Un soir, elle crut reconna?tre la fuite leste de deux épaules, et ses yeux se portèrent aussit?t sur le vitrail: il était grisatre, comme vidé, éteint par la lune qui l'éclairait en plein. Dès ce moment, elle remarqua que l'ombre vivante s'allongeait, se rapprochait de sa fenêtre, gagnant toujours, de trous noirs en trous noirs, parmi les herbes, le long de l'église: à mesure qu'elle la devinait plus proche, une émotion grandissante l'envahissait, cette sensation nerveuse qu'on éprouve à être regardé par des yeux de mystère, qu'on ne voit point. S?rement

elle, jusque-là, elle avait tout dit. Lorsque celle-ci la questionnait, étonnée de sa joie, elle devenait très rouge, elle répondait que le printemps précoce la rendait joyeuse. Du matin au soir, elle bourdonnait, ainsi qu'une mouche ivre des premiers soleils. Jamais les chasubles qu'elle brodait n'avaient flambé d'un tel resplendissement de soie et d'or. Les Hubert, souriants, la croyaient simplement bien-portante. Sa gaieté montait à mesure que tombait le jour, elle chantait au lever de la lune, et quand l'heure était arrivée, elle s'accoudait au balcon, elle voyait l'ombre. Pendant tout le quartier, elle la trouva exacte à chaque rendez-vous, droite et muette, sans qu'elle en s?t davantage, ignorante de l'être qui devait la produire. N'était-ce donc qu'une ombre, une apparence seulement, peut-être le saint disparu du vitrail,

u c?ur un choc violent. Là, dans la clarté vive, elle l'aper?ut debout, tourné vers elle. Son ombre, ainsi

lui, c'était ainsi qu'elle l'attendait. Le prodige s'achevait enfin, la lente création de l'invisible aboutissait à cette apparition vivante. Il sortait de l'inconnu, du frisson des choses, des voix murmurantes, des jeux mouvants de la nuit, de tout ce qui l'avait enveloppée, jusqu'à la faire défaillir. Aussi le voyait-elle à deux pied

les deux bras, les tendit, grands ouverts

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