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Les morts commandent

Chapter 2 No.2

Word Count: 7070    |    Released on: 06/12/2017

cha la vie qu'il menait. Il y avait un an qu'il n'était pas sorti de la ville. Il passa

ec leurs petits moulins à vent, gesticulant au fa?te; ces abruptes sierras couleur de rose, qui fermaient l'horizon; tout ce riant paysage qui avait valu à Majorque le nom d'Ile Fortunée, que lui décerna l'admiration des anciens navigateurs! Ah! il se

veltes femmes brunes, avec de larges chapeaux de paille enrubannés et ornés de fleurs sauvages; des hommes, vêtus de ce coutil rayé qu'on

'il ne f?t point passé par la depuis quelques années. Bient?t il arriva

famille de Febrer allait jadis à Soller, où elle possédait un vieux manoir, ?la Casa de la Luna?, ainsi nommé parce que

es de maisonnettes blanches, étaient couronnées d'un turban de brumes. En bas, entourant la ville et se prolongeant jusqu'au rivage, d'immenses bois d'orangers parfumaient l'air. De tous les environs accouraient à la fête de Soller, des familles de paysans. La dulzaine, c

déguisaient en musulmans ou en guerriers chrétiens, et, tromblons ou épées en mains, simulaient dans le port un comb

s avec Antonia, aujourd'hui la vieille Mado Antonia qui alors était une fra?che gaillarde aux dents blanches, à la poitrine rebondie, à la démarche lourde. Elle acc

lui; et depuis plus de vingt ans, il n'avait pas rev

lques amis, les cellules de la Chartreuse. Il se rappelait seulement les oliviers qui la bordaient, les fameux oliviers séculaires aux formes tourmentées et fantastiques, qui avaient servi de modèles à tant de paysagistes, et il penchait la tête au dehors pour le

, au feuillage clairsemé, aux troncs noirs, noueux et crevassés, bossués par de grandes excroissances, si vieux que la sève ne pouvant monter jusqu'à la ramure, était absorbée par la partie inférieure, qui grossissait san

s chapelets, creusant des galeries au c?ur même des plus vieilles racines. On racontait que Gustave Doré avait dessiné ses plus fantastiques compositions sous ces oliviers sécul

e près ces lieux immortalisés par l'amour. Maintes fois, son grand-père lui avait

la villa de Son Vent. L'homme paraissait malade. Il était plus jeune que sa compagne, mais son visage, amaigri par la souffrance, était pale et transparent comme une hostie; ses yeux brillaient de fièvre, et sa poitrine étroite était constamment déchirée par une toux rauque. Une barbe très fine voilait ses joues; une chevelure léonine couronnait son front et tombait sur sa nuque en boucles épaisses. La femme avait des allures masculines. Elle s'occupait activement de tout dans la maison; elle jouait avec ses enfants, comme si elle avait eu leur age. Mais on pressentait dans cette famille

par ses romans qu'elle signait George Sand, pseudonyme formé d'un prénom masculin et du nom d'un criminel politique. ?Lui?, était un musicien polonais, de complexion délicate, qui semblait laisser un lambeau de sa vie da

, le grand-père de Jaime, ne recevait de livres. Il consentit a prêter ?Indiana? et ?Lelia?, qui circulèrent de main en main sans que personne y compr?t grand'chose, d'ailleurs. En tout cas, celle qui les avait écrits devint un objet d'horreur; cependant do?a Elvira, la grand'mère de Jaime, une Mexicaine dont i

chambre, toussait derrière les vitres de sa fenêtre, ou se montrait à la porte, cherchant un rayon de soleil. La nuit, à une heure avancée, sa muse mélancoliqu

s'offrit aux réprouvés, comme l'unique refuge, la Chartreuse de Valldemosa, édifice du moyen age, sans beauté architecturale, qui n'a de charme que son antiquité, mais qui, bati au milieu de montagnes aux flancs desquelles dévalent des bois de pins, est protégé contre l'ardeur du soleil par un rideau d'amandiers et de palmiers. C'était un monument presque en ruine, une sorte de couvent de mélodrame, lugub

it maintenant Febrer, mais qui n'avait de chemin que le nom. Enveloppé dans un gros manteau, le musicien grelottait et toussait sous la bache, tressailla

veillat point, se hatait d'engloutir les mets destinés au cher malade. Les gamins de Valldemosa jetaient des pierres aux petits Fran?ais qu'ils prenaient pour des ?Maures, ennemis de Dieu?; les femmes volaient leur mère, quand elles lui vendaien

astes et sombres clo?tres s'animaient soudain d'une harmonie mystérieuse, qui semblait venir de très loin, à travers l'épaisseur des murs. C'était Chopin qui, penché sur le piano, composait ses nocturnes. George Sand, à la lueur d'une bougie, écrivait Spiridion, l'histoire de ce religieux qui finit par rejeter toutes ses croyances. Souvent, alarmée par la fréquence des quintes de toux, elle interrompait son travail pour courir a

ent auquel on l'avait condamnée. Ils arrivèrent à minuit, troublant de leurs chansons et de leurs guitares, le calme mystérieux du couvent, et effrayant les oiseaux abrités dans les ruines. Dans l'une des cellules, ils exécut

cher malade? se sentant mieux, les étrangers partirent pour retourner lentement

es, et chacun tenait à ce que sa chambre f?t celle de George Sand. Febrer avait une fois visité le couvent avec un nonagénaire, qui avait été un des préte

inx antique; chaque fois qu'elle tentait de l'interroger, elle le sentait déchirer son c?ur, impitoyablement. Toute l'abnégation, toutes les révoltes de la passion, elle les avait connues! La volage héro?ne des nuits vénitiennes, l'infidèle compagne de Musset était la même femme que cette garde-malade qui préparait les repas et les tisanes de Chopin mourant dans la

yage, et se prit en pitié. C'était bien à lui, vraiment, de rêver à des amours désintéressées, à lui qui allait vendre son nom à une jeune fil

jeter un regard en arrière, comme pour chercher dans son passé une justification de sa conduite présente. A quoi avait ser

ses souvenirs, Jaime distinguait le puissant relief de cette physionomie originale. Jamais il n'avait vu sourire ce visage encadré de favoris blancs, qui contrastait avec le noir de jais de ses yeux impérieux. On n'avait jamais connu le vieillard autrement qu'en toilette de ville, d'une minutieuse correction. Seul, son petit-fils pouvait à toute heure mon

oiqu'il f?t d'ordinaire assez sobre de paroles et peu endurant. Il racontait à Jaime ses voyages à Paris et à Londres, faits les uns en bateaux à voiles jusqu'à Marseille, et de là, en chaise de poste, les autres en vapeurs ou en chemin de fer; il lui décrivait les premiers essais de ces inventions merveilleuses; il parlait de la société du temps de Louis-Philippe, des débuts éclatants du romantisme, des barricades que, de sa chambre, il avait vu élever, mais, à ce souvenir il avait un sourire énigmatique, et

contemplation devant le portra

elle... Elle était de notre famille, mais elle était venue du Mexique pour m'épouser. Son père avait été ma

chauve, un sourire bienveillant. On racontait que, tout jeune, il avait courtisé sa cousine Juana, cette dame austère, ?la Papesse?, qui menait la vie d'une religieuse, et qui, après avoir donné des sommes énormes au prétendant don

du Pacifique, il avait pris part au bombardement de Callao. Comme s'il n'avait attendu que l'occasion de donner cette preuve de courage, il

c Jaime, elle lui avait dit, avec

gentilshommes; mais elle n'éta

nobles conservateurs, qui l'exécraient, abandonné par tous les personnages de la cour, dut faire appel, pour les remplacer, à des hommes nouveaux, pris parmi ceux qui portaient de grands noms historiques. Cédant aux exigences de son parti, le butifarra[B] Ferrer consentit à deve

re de la haute aris

isans de don Carlos, qui guerroyaient en Catalogne et dans les provinces du Nord. Qu'on ne lui parlat plus de Febrer, l'ancien marin! Pour elle, qui défendait les anciennes traditions et faisait des sacrifices, afin que l'Espagne f?t gouvernée

es chiffrées, partait pour Minorque afin de visiter l'escadre mouillée à Mahon, et, exploitant ses relations d'ancien officier, catéchisait ses camarades d'autrefois et fomentait un so

s d'autre visiteur que son petit-fils. Un jour vint où il ne put quitter son lit, et Jaime le vit, conservant sa mise soignée: fine chemise de batiste, cravat

edingote... On doit toujours

avait vu durant toute sa vie. Un après-midi, il appela d'une voix faible son petit-fils qui lisait près d'une fenêtre un récit de voyage. Il l'invita à se retirer; il avait besoin

archives de la famille. Il voulut entrer dans la marine de guerre, comme son père et la plupart de ses ascendants; mais sa mère s'y opposa, prise d'une terreur folle, qui la rendait plus pale encore. était-il possible que son fils unique, le dernier des Febrer, f?t

u'il f?t officier de marine, il choisirait une autre carrière. A seize ans, il s'embarqua pour l'Espagne. Sa mère désirait qu'il f?t son droit, afin d

professeurs et leur bienveillance envers les étudiants. Il n'avan?ait pas vite. Grace à d'heureux hasards et aussi à la tranquille audace avec laquelle il parlait des choses qu'il ignorait, il réussissait dans certains examens; mais il échouait dans d'autres. Sa mère acceptait toutes les explications qu'il lui donnait, à son retour. Elle le con

yait sa pension en onces, et qu'il faisait rouler ces pièces à l'éclat insolent sur tous les tapis verts. Ce qui ajoutait encore à son prestige, c'était son étrange titre de butifarra, qu

ntures de Febrer à Barcelone. La bonne do?a Purificacion, sa mère, fut à la fois chagrinée et flattée dans son orgueil maternel, en apprenant qu'une jeune femme, bravant le scandale, l'avait suivi dans l'?le. Aux vacances suivantes, nouvel esclandre,

s l'?le, celui-ci demeurait quelques jours à Palma, et passait ses journées dans le jardin, où il s'exer?ai

un quintal de poudre. Jusqu'à ce

s qui occupaient une partie de l'antique palais, ne laissaient voir leur blanche corn

ent épouvantés, en battant des ailes. Le soleil faisait craquer l'écorce des arbres, éclater les graine

le mur, il regrettait que ce ne f?t pas un ennemi abhorré. Ah! comme il lui aurait logé cette balle dans le c?ur! Pan! Et il souriait, satisfait d'avoir touché le point visé. Dire qu'il avait vingt ans, et ne s'était encore jamais battu! Il lui fallait une affaire d'honneur, pour qu'il p?t montrer son courage. Excité par les détonations, il se voyait se battant en d

lui en fournirait le prétexte; mais comme il était courtois et incapable de se livrer à d'injustes provocations, qu'au surplus son aspect en imposait aux plus insolents, le temps passait, et ?l'aff

x jours; il n'y avait point de bateau en partance. Lorsqu'il débarqua à Palma, sa mère était morte. De tous les membres de s

a?eux et par des charges de toute espèce. Il ne voulut ni réfléchir ni s'enquérir de sa situation. Avide de vivre et de conna?tre le monde, il renon?a à pour

s, à l'entresol du café Fornos, le mirent en vue. Mais il ne fut bient?t plus ?le Majo

sa fantaisie du moment. Vers sa vingt-huitième année, il se trouvait à Munich, quand il y rencontra cette Mary Gordon dont il évoquait encore le souvenir quelques heures avant son départ pour V

nfermé Jean Huss, puis ils passèrent en Suisse et en Italie, vibrant d'un même en

ait gouverneur. D'ailleurs elle ne le consultait jamais. Il approuverait tous ses actes, tant il était s?r de son bon sens et de sa prudence. Mary parlait ensuite de l'avenir, réglant la partie financière de la future association ave

e race que la sienne; elle avait d'autres m?u

l'Espagne, se dit-il un matin, en faisant

, n'irait pas le relancer. Elle avait en horreur cette

mps, et une mèche de cheveux blonds. Il devait avoir aussi, au fond d'un vieux secrétaire, un po

nes de doléances, où il lui parlait d'intérêts à payer, et de la peine qu'il avait à trouver des prêteurs. Jaime, croyant que, par sa seule présence, il pourrait mettre un terme à ces difficultés, faisait de courts séjours à Majorque, séjours qui se terminaient toujo

un terme à ses joyeuses prodigalités, en lui envoyant, avec une lettre où il décla

ente. Ses créanciers le mena?aient de saisie immédiate. Il conservait encore, seulement en apparence, le domaine de Son Febrer, et quelques autres biens, faisant partie de son patrimoine, mais les propriétés rapportaient peu à Majorque. De plus ses fermiers remettaient directement le montant des fermages à ses créanciers; même ainsi, il n'arrivait pas à payer la moitié des intérêts q

u'on donne à Majorque aux descendants des Juifs convertis). Benito Valls aimait beaucoup Jaime. Souvent il était intervenu spontanément dans ses affaires, le sauvant de périls imminents, autant par sympathie pour sa personne que par respect pour son nom. Malade, il n'avait q

Puis peu à peu ses répugnances se dissipèrent, à mesure que croissaient ses embarras d'argent... Pourquoi pas, après t

mille. C'est pour cette raison que ce matin-là, il allait déjeuner à Valldemosa où Valls

s rues de Palma. Bonne tournure, visage agréable. Quand elle serait loin des siens et qu'elle

comme la fortune, était le privilège d'un bien petit nombre. Heureusement l'illusion masquait aux yeux des hommes cette cruelle inégalité, et tous finissaient leurs jours avec le regret nostalgique de leur jeunesse, pendant laquelle ils croyaient avoir réellement connu l'amour, alors qu'ils n'avaient eu qu'un instant de délire sensuel. Oui, l'amour était une fort belle chose, ma

urée de montagnes. La tour de la Chartreuse, ornée de carreaux de fa?ence v

ndit, qui agitait les bras pour que le cocher de Jaime arrêtat les chevaux;

itaine! s'écria cel

aussi je suis du déjeuner, je m'invit

enu. C'était un de ses plus s?rs

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