Madame Sans-Gêne, Tome III
jadis le temple du Jupiter tonnant de l'Olympe Scandinave, était en fête
ésidait aux combats. Puis ils détachaient leurs barques étroites et s'enfon?aient dans les brumes et dans l'inconnu, les proues en col de cygne tournées vers ces villes opulentes de l'Occident, vers ces monastères emp
rent héro?quement Eudes, comte, et Gozlin, évêque, aidés des bourgeois et du menu peuple, leurs flots barbares étaient venus battre. Puis ces marées humaines, laissant derrière elles quelques alluvions, comme en terre
de va-et-vient fatal d?t les ramener une fois encore vers ces terres occidentales où jadis les fils d'O
valer sur l'Europe centrale et rouler leurs masses torre
ment aigu des trompettes et le cliquetis sonore des sabres, des fusils, des lances, des arcs, des carquois entre-choqués dans la marche pesante d'un cor
flottait l'éten
échelles, agglutinée aux fenêtres, accrochée même aux poteaux des lanternes et suspendue en grappes aux grilles du chateau, la paisible population cherchait par tous l
apportait-il la paix ou la guerre? on l'ignorait encore. Derrière ces personnages venait le général allemand Pfuhl, tacticien émérite, précédant un groupe de généraux, diversement célèbres, et à qui la population fit des ovations différentes. Là chevauchaient Barclay de Tolly, ancien pasteur de Livonie devenu général, stratégiste consommé, mais vieilli et peu aimé; Be
comme l'élève et le successeur du célèbre Souwaroff. On lui attribuait des secrets strat
ée en files profondes tout le long du parcours du cortège impérial, parlant peut-être des dernières modes de Paris ou d'Atala, le touchant roman de M. de Chateaubriand, trois pe
le confident du tra?tre Bernadotte; le prince Rostopchine, gouve
lant derrière les généraux d'Alexandre, devaient être les fossoyeurs de la Grande Armée. Dans la cité d'Odin, l'antique
eur Alexandre se rendit au chateau et re?ut les dép
ion, un courrier extr
ssager, suspendit la réception et donna
es de l'ambassade de Russie à Paris. L'ambassadeur l'envoyait
uerre et lui faire livrer, moyennant espèces, des pièces fort importantes, concernant la situation des places, les approvisionnements et l'organisation de l'armée ainsi que les places d'attaque, en prévision d'une guerre avec la Russie. Malheureusement, M. de Czernicheff avait laissé tomber aux mains de la pol
la Russie, tout en multipliant les envoyés et les assurances de paix, ne se préparat secrètement à la guerre et ne cherchat à en rejeter sur
ividoff
t, qui commande le 1er c
u? demanda viv
de la Vistule, frontièr
n d'hom
ersbourg aussi vite que les chevaux et les chemins me le permettaient, quatre corps de t
ivisions Morand et Friant, commandés par le p
?t, un éclair de
la Russie me trouvera prêt à supporter, avec l'appui de Dieu, le choc terrible que vous m'annoncez... Merci, monsieur, de votre renseignement, il est précieux; quant à la saisie des papiers importants que le colonel Czernicheff s'était habilement pro
ussit?t mander près de lui les généraux qui composaient son
?ant les uns aux autres des regards soup?onneux. En Russie, où le caprice du souverain est tout, les plus hauts fonctionnaires ne sont jamais à l'abri d'une disgrace, bient?t s
rait franchi et le sol russe verrait pour la première fois les terribles soldats de Napoléon fouler ses étendues vierges d'invasions. On pouvait considérer la guerre comme déclarée. Il n'y avait plus d'illusio
nthousiasmés, portant la main à leurs épées
possédait un sang-froid politique de vieux diplomate. Il laissa tomber l'
aurait-il exigé de plus de la France vaincue? Bien que Napoléon ait gardé aux yeux de la postérité la responsabilité d'une provocation téméraire adressée à ce colosse du Nord, et tout en reconnaissant que, confiant dans sa force, grisé par le vin de la gloire bu à toutes les coupes de l'Europe, entra?né par la fureur conquérante et acquisitoire
out en se montrant fier et même heureux de son intimité avec lui, ravi et grandi, se trouvant traité par le puissant César de France comme un égal, comme un associé au partage du monde, Napoléon ayant l'Occident et Alexandre l'Orient, son ame slave s'ouvrait à la fois à l'admiration et à l'envie: plus il trouvait grand Napoléon, plus il souhaitait le rabaisser et l'abattre. En même temps que son orgueil était satisfait de cette égalité souveraine, un autre sentiment envahissait l'ame du jeune czar. Il se disai
Napoléon qui n'était qu'un Robespierre plus puissant, plus terrible que l'homme de la guillotine, vrai boucher de l'Europe, régicide à sa fa?on, frappant les souverains à coups de canon et promenant des rives du Tage au bord du
usceptible de lui donner un héritier, avait laissé presque officiellement pressentir qu'une alliance avec la Russie lui serait précieuse. La grande-duchesse Anne, s?ur d'Alexandre, avait même été avertie des démarches de Napoléon. Le mariage russe était déjà annoncé, quand
apoléon. Il l'admirait toujours, il n'en était que plus ardent à vouloir le vain
e la lassitude visible qui s'emparait de la nation fran?aise, épuisée par vingt ans de combats; il tablait également sur l'hostilité sourde mais certaine d
cises que celles que M. de Czernicheff lui avait procurées sur l'état des armées
er un si formidable combat, l'émotion le prenait: l'adversaire était si fort, si glorieux, si habitué à vaincre, et il tra?nait avec lui toute une nation qui ignorait la retraite! La Victoire, ailes déployées
ires rassemblés en conseil s'ils avaient un plan à lui soumettre, un projet à discuter, et quell
allait lui barrer la route et anéantir son corps, avant qu'il f?t rejoint par ceux de Ney ou de Victor. L'immense armée de Napoléon était éparpillée en Espagne, en Hollande, en
nemi divisé, à empêcher sa jonction et à se retourner ensuite sur le second tron?on, en bénéficiant de l'élan, de la confiance issue de la victoire, en accablant un adversaire affaibli et démoralisé.-Il faut battre N
nd Pfuhl, le général Beningse
yence et du Rhin; le prince Eugène qui amenait ses troupes de plus loin encore, de la Lombardie, serait obligé de se rendre sans pouvoir livrer bataille. Enfin, puisqu'on avait terminé la guerre avec les Turcs et qu'on disposait de l'armée du Danube commandée par l'amiral Tchikackoff et de l'armée de Volhynie commandée par le général Tormasoff, on prendrai
assoiffé de revanche. La possibilité de vaincre Napoléon en employant sa tactique, en tombant successivement sur ses corps isolés, flattait son amour-propre: le mirage d'une destruction co
r re?u des renseignements militaires précis sur la position de divers corps fran?ais et sur
'un seul des chefs milit
plan à nous proposer ou bien vous ralliez vous simplement à l
répondit d'une voix sombre, avec u
t à moitié hors du fourreau, de conseiller d'interrompre la sonnerie
z? dit vivement Alexandre, la paix, l'
romener à travers l'Allemagne et de gagner ainsi les frontières de France, d'atteindre Paris peut-être... Ce sont là des rêves! Je ne dis pas qu'ils soient irréalisables, mais pas à présent... Plus tard!... Quand Napoléon aura été vai
ral, interrompit Alexandre avec un léger so
our le moment, il est toujours vainqueur et le plus formidable général triomphant qui soit... Rien qu'à son nom les armées s'enfuient et les villes s'ouvrent... Vous serez à la merci d'une bataille si v
?ons, à vous, éminent stratégist
ui développera son plan que j'admire et que j'approuve... C'est le seul que je suivrais si Votre Majesté me faisait l'honneur de me confier le commandement en chef de ses a
la guerre déclarée et de l'arrivée prochaine des Fran?ais sur le Ni
bas Barclay!... Vive Koutousoff
ule sous les fenêtres du pal
r son esprit. La fermeté avec laquelle l'émule de Souwaroff avait conseillé d'attendre Napoléon et no
esprits en France et sur les dispositions de la cour d'Autriche à l'égard du dangereux gendre de notre bien-aimé frère Fran?ois; mais j'ignorais qu'à ses talents de diplomate il ajoutait des connai
topchine, dit Koutousoff en se retirant, tous les trois sont d'accord sur le danger qu'i
de lui les trois personnages
ait posée au conseil des généraux,
sa flatteuse interrogation, lui confirma le plan qu'il avai
on armée... comme une bande de loups qui laisse passer le troupeau et se jette sur les tra?nards, sur les isolés, on rongerait ses magnifiques corps d'armée. Ce que l'Espagne avait si héro?quement tenté et si grandement réussi avec ses guérillas et ses partisans, on pourrait l'oser avec les Cosaques... Platoff, leur hetman, n'était-il pas là, prêt à cette guerre de ruses, de surprises, de brusque irruption, puis de fuite soudaine et de retour rapide et inattendu... une guerre d'oiseaux de proie au vol tournoyant, fondant sur les victimes à dépecer, disparaissant au fond de l'horizon, quand elle bouge et fait mine de les chasser, pour revenir bient?t la harceler plus faible, moins capable de résister. Les Parthes et les Scythes ainsi se défendaient en attaquant, poignée de moustiques aux pr
n véritablement génial et terrible que l
pprouva silencieusement les idées de M. de Neipperg. Puis,
me une marche en avant, si la victoire était au bout. On reviendrait alors sur la route parcourue et
l avait réclamé la cession de la Norvège que gardait le Danemark, et renoncé à la Finlande que Napoléon lui offrait au détriment de la Russie. Il avait en outre demandé un subside de vingt millions. Napoléon avait, comme s'y a
t lui l'auteur principal de ses victoires et prétendait qu'il était le seul homme de guerre en Europe capable de le battre. Le prestige des lieutenants de Napoléon était si grand alors que tout le monde en Russie et en Suède ajoutait foi aux gasconnades du perfide maréchal de l'Empire. Cet envieux et intrigant personnage n'était enco
e plan si inattendu, si simple et si grand à la fois de M. de Neipperg... Nous écouterons notre vieil et illustre Koutousoff, et nous nous en rapporterons à lui pour l'exécution
doute, venait de se présenter à son esprit très lucide.
ù les habitants, plus sédentaires et plus riches que ceux des villages, se refuseront peut-être à évacuer l'enceinte de la cité, à abandonner leurs maisons, les richesses qu'elles renferment, que ferons-nous si Napoléon arrive jusqu'à Moscou? Ne lui di
it pas encore dit un mot, toussa légèrement comme pour a
verneur de Moscou, je
nous vous écoutons, dit Al
livra, dans une studieuse retraite, à l'histoire et aux lettres. Il était de beaucoup supérieur comme culture et comme état intellectuel à ces Russes, moitié hommes, moitié ours, qui l'entouraient et dont il disait plaisamment: ?Je suis forcé de donner raison à un Anglais qui affirmait, en parlant des Russes, qu'o
inflexions aristocratiques,
railles vénérées! Afin de contraindre les habitants à abandonner leurs périssables richesses, pour les entra?ner à la suite de l'armée, s'il était nécessaire, je saurai recourir à la force pour cette offrande à la patrie et à l'Empereur; je les obligerai à se retirer avec nous, f?t-ce jusqu'aux bouches de la Volga, ou par delà les roches inaccessibles du Caucase, ou encore dans les ténèbres blanches des solitudes sibériennes! Oui, pour exécuter jusqu'au bout le plan le plus admirable, le plan sauveur
oncé posément, dans une conversation, entre amis. Neipperg et d'Armsfeld ne purent s'empêcher de tressaillir en écoutant Rostopchin
upières abaissées ne laissaient filtrer aucun regard. Tout son corps demeurait immobile
va la tête, et so
na vers Ro
par le feu que vous comp
re, vous aurez pour repousser l'ennemi et garder le sol de la sainte Russie deux généraux in
pchine appelait à son
l succombera infailliblement, lui et son troupeau d'hommes, sous les coups d'un troisième adversaire, le général Famine!... Sire, nous n'avons rien à craindre: en suivant le plan que M. de Neipperg, le comte de
ur que l'Achéron, dit en souriant Rostopchine qui, grand admirateur des poètes du dix-huitièm
seule chose m'arrête, vous ne parlez pas de Napoléon!... Vous oubliez ce que vaut cet homme extraordinaire... à lui seul il est une armée... partout où il va, docile comme un chien dressé, la victoire accourt et lui rabat les armées, les peuples, les souverain
re Majesté invoque exis
... et il
Mort
uvement de surprise
gnements venus de Paris et de Dresde... Rien ne peut vous autoriser, comte d
à moi me permettent de supposer l'i
fondez-vous c
re fran?ais, des associations redoutables et ténébreuses ont noué d
ais, les j
.. Le général Moreau, du fond des états-Unis, leur a promis son appui... Un général, républicain celui-là, mal récompensé, aigri, puni d'ailleurs de l'emprisonnement, le général Malet, est le chef actuel de cette formidable armée souterraine où s'enr?lent les mécontents, les pa
tir? Ce général Malet, dont j'entends prononcer le
er à Votre Majesté, bien que le général Malet soit fort circonspect et ne révèle ses projets à personne, qu'il saura mettre à profit l'absence de Napoléon... Tandis que, privé de commun
audacieux! dit
d'un comité siégeant à Paris, rue Bourg-l'Abbé, imagina de répandre le bruit que Napoléon avait trouvé la mort en égypte, et à l'aide du sénatus-consulte, fabriqué par lui, de proclamer la déchéance de la famille impériale et l'établissement d'un gouvernement provisoire dont faisaient part
. La nouvelle de la mort de Napoléon, d'ailleurs, avait pu être facilement
u'il a de grandes chances... Il pourrait se faire aussi qu'un des affidés, profitant du désarroi d'une guerre lointaine, parv?nt à
'était levé
comme tout ce qui respire, tributaire de la mort... mais il ne nous appartient ni de souhaiter ni de favoriser les sinistres projets de ceux qui tenteraient de hater le destin et d'anticiper sur les ar
sfeld avaient imaginé, et qui consistait à reculer sans cesse devant Napoléon et à battre l'immortelle Grande Armée avec le froid, avec la famine,
orêt de Wilkowisk, Napoléon parut sur les bords du Niémen, au-de
oléon, s'approcha et tous deux trav
t changé son petit chapeau. Il avait revêtu le m
s pouvant le reconna?tre et s'acharner sur lui
nsi possession paisibl
r des sapeurs escort
loin, une petite troupe à c
aque. L'officier s'avanc
êtes-
éral Eblé! répo
ussie? demande alors en f
s faire l
que. Les sapeurs tirent. Le Cosaque et ses hommes ont disparu dans la forêt. Ri
été transbordé. Il le monte. La bête f
ge! murmure le
épaules et part au h
cherche l'armée d'Alexandre, les tentes, le camp, les chevaux russes. Il ne voit que la forêt
issantes du crépuscule il a cru découvrir les feux d'un bivouac. Sans doute l'armée d'Alexandre est campée là... alors demain ce sera la bataille!... Et son visage s'illumine de contentement et d'espoir. Mais il examine plus attenti
e, l'inconnu; partout l'ombre et le silence, ave
ns la ligne monotone et grise des plaines se déroulant, triste tapis sans fin. L'étendue allait capter la Grande Armée. A son tour, on la verrait fondre et
stique; mais les trois sinistres chefs qui devaient changer en retour victorieux c
ribles et pressenti l'épouvantable destinée, revint, s
nifique spectacle offert à ses yeux cha
d et par les pontonniers d'Eblé, commen?a le majestueux passage de cette formidable armée de six cent
e, les souffrances du froid et de la faim, les épouvantes des villes enlevées et le retour lamentable à travers le cimetière d
e et funeste, le Niémen traversé, Napoléon